6ème escroquerie : Nous devons épargner pour financer l’investissement

Warren Mosler

2012

VALANCE CO., INC.,

Traduction par Robert Cauneau – MMT France


Escroquerie innocente et mortelle n°6

Nous devons épargner pour financer l’investissement

LES FAITS

L’investissement augmente l’épargne.

L’avant-dernière, mais non la moindre, cette escroquerie innocente sape toute notre économie, car elle détourne les ressources réelles des secteurs réels vers le secteur financier, ce qui a pour résultat que les investissements réels sont dirigés d’une manière totalement dissociée de l’intérêt public. En fait, je pense que cette escroquerie innocente et mortelle pourrait priver chaque année plus de 20 % de la production utile et de l’emploi – une statistique stupéfiante, sans équivalent dans l’histoire de l’humanité. Et elle est directement à l’origine du type de crise financière que nous avons traversée.

Cela commence par ce qu’on appelle dans les manuels d’économie « le paradoxe de l’épargne », qui se résume à quelque chose comme ça : Dans notre économie, les dépenses doivent être égales à tous les revenus, y compris les bénéfices, pour que la production de l’économie soit vendue. (Pensez-y un instant pour vous en assurer avant de passer à autre chose.) Si quelqu’un tente d’épargner en dépensant moins que son revenu, au moins une autre personne doit compenser en dépensant plus que son propre revenu, sinon la production de l’économie ne sera pas vendue.

La production invendue signifie des stocks excédentaires, et les ventes faibles signifient des réductions de production et d’emploi, et donc moins de revenu total. Et ce manque à gagner est égal au montant non dépensé par la personne qui essaie d’épargner. Imaginez que la personne qui essaie d’épargner (en ne dépensant pas ses revenus) perde son emploi, puis ne perçoive aucun revenu, parce que son employeur ne peut pas vendre toute la production.

Le paradoxe est donc le suivant : « Les décisions d’épargner en ne dépensant pas les revenus se traduisent par moins de revenus et aucune nouvelle épargne nette ». De la même manière, la décision de dépenser plus que ses revenus en s’endettant entraîne une augmentation des revenus et peut être à l’origine d’investissements réels et d’épargne. Prenons cet exemple extrême pour illustrer le propos. Supposons que tout le monde commande une nouvelle voiture hybride rechargeable auprès de notre industrie automobile nationale. Comme l’industrie ne pourrait pas produire autant de voitures actuellement, elle nous embaucherait et elle emprunterait pour nous payer afin de construire les nouvelles usines qui répondront à la nouvelle demande. Cela signifie que nous travaillerions tous sur de nouvelles usines et de nouveaux équipements – des biens d’équipement – et que nous serions payés. Mais il n’y aurait encore rien à acheter, donc nous « épargnerions » nécessairement notre monnaie pour le jour où les nouvelles voitures sortiront des nouvelles chaînes de montage. Dans ce cas, la décision de dépenser pour de nouvelles voitures se traduit par moins de dépenses et plus d’épargne. Et les fonds dépensés pour la production des biens d’équipement, qui constituent un véritable investissement, entraînent une épargne équivalente.

J’aime le dire ainsi : « L’épargne est l’enregistrement comptable de l’investissement ».

Professeur Basil Moore

J’ai eu cette discussion avec le professeur Basil Moore en 1996 lors d’une conférence dans le New Hampshire, et il me demanda s’il pouvait utiliser cette expression dans un livre qu’il voulait écrire. Je suis heureux d’annoncer que le livre portant ce nom a été publié et j’ai entendu dire que c’était une bonne lecture. (J’attends mon exemplaire dédicacé).

Malheureusement, le Congrès, les médias et les économistes mainstream se trompent et concluent d’une manière ou d’une autre que nous avons besoin de davantage d’épargne pour financer les investissements. Une fois encore, ce qui semble parfaitement sensé au niveau micro est totalement faux au niveau macro. Tout comme les prêts créent des dépôts dans le système bancaire, c’est l’investissement qui crée l’épargne.

Que font donc nos dirigeants, dans leur infinie sagesse, lorsque les investissements chutent, généralement en raison de la faiblesse des dépenses ? Ils décident invariablement « nous avons besoin de davantage d’épargne afin qu’il y ait davantage de monnaie à investir ». (Et je n’ai jamais entendu une seule objection de la part d’un économiste mainstream.) Pour y parvenir, le Congrès utilise la structure fiscale pour créer des incitations à l’épargne fiscalement avantageuses, telles que les fonds de pension, les IRA et toutes sortes d’institutions fiscalement avantageuses qui accumulent des réserves sur une base d’imposition différée. Comme on pouvait s’y attendre, ces incitations ne font qu’éliminer la demande globale (pouvoir d’achat). Elles servent à nous empêcher de dépenser notre monnaie pour acheter notre production, ce qui ralentit l’économie et introduit la nécessité d’une expansion du crédit du secteur privé et de dépenses en déficit du secteur public, juste pour nous permettre de nous ramener à l’équilibre.

C’est pourquoi les déficits apparemment énormes ne se révèlent pas autant inflationnistes qu’ils pourraient l’être autrement.

En fait, ce sont les incitations fiscales conçues par le Congrès pour réduire nos dépenses (appelées « fuites de la demande ») qui réduisent considérablement notre pouvoir de dépenser, ce qui signifie que le gouvernement doit augmenter ses déficits pour nous maintenir au plein emploi. Ironiquement, ce sont les mêmes membres du Congrès qui font la promotion des programmes d’épargne fiscalement avantageux, en pensant que nous avons besoin de davantage d’épargne pour avoir de la monnaie à investir, qui sont catégoriquement opposés aux dépenses liées au déficit fédéral.

Et, bien sûr, il y a pire encore ! Les énormes pools de fonds (créées par cette fraude innocente et mortelle n°6, selon laquelle l’épargne est nécessaire à l’investissement) doivent également être gérés dans le but d’accroître l’épargne monétaire pour les bénéficiaires dans le futur. Le problème est que, en plus d’exiger des déficits fédéraux plus élevés, les billions de dollars qui s’accumulent dans ces fonds constituent la base de soutien du redoutable secteur financier. Ils emploient des milliers de gestionnaires de fonds de pension qui brassent d’énormes sommes d’argent, lesquelles sont largement soumises à la réglementation gouvernementale. Pour la plupart, cela signifie investir dans des actions cotées en bourse, des obligations cotées et une certaine diversification vers d’autres stratégies telles que les fonds spéculatifs et les stratégies passives sur les matières premières. Et, se nourrissant de ces « baleines gonflées », il y a les inévitables requins – les milliers de professionnels de la finance dans les secteurs du courtage, de la banque et de la gestion financière qui doivent leur existence à cette sixième fraude innocente et mortelle.


Texte original : https://moslereconomics.com

Illustration : https://www.facebook.com/FederationGalactiqueDeLumiere/

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