Par
Richard Murphy
24 février 2018
Traduit par Robert Cauneau – MMT France
Il y a quelques semaines, j’ai mentionné sur mon blog que Warren Mosler(1) avait accepté de répondre à quelques questions sur la théorie monétaire moderne (MMT), dont il est l’un des fondateurs. Plus de 200 questions ont été posées.
J’ai essayé de les résumer ici. Cette première période de questions et réponses se veut un aperçu de MMT. J’y joue le rôle de l’enquêteur sceptique : les questions que je pose doivent être considérées sous cet angle. Warren a donné de brèves réponses, mais il a dit clairement qu’il était d’accord pour y répondre.
_______________________________________________________________
R : Qu’est-ce que MMT ?
W : Une description des systèmes monétaires.
R : D’après MMT, qu’est-ce que la monnaie ?
W : Les monnaies d’aujourd’hui comme le dollar, le yen, l’euro, etc. sont simplement des crédits de taxes, c’est-à-dire ce qui est nécessaire pour payer des impôts.
R : Mais il est maintenant largement connu que les banques créent notre monnaie ?
W : Les prêts bancaires créent des dépôts bancaires, en vertu d’une charte, d’une réglementation et de la supervision du gouvernement.
R : Pouvons-nous leur faire confiance ?
W : Seulement dans la mesure où vous faites confiance à la réglementation et à la supervision du gouvernement.
R : Quel est donc le rôle des banques centrales ?
W : Fixer les taux directeurs.
R : Et quel est le rôle du gouvernement à cet égard ? Et comment empêcher qu’il y ait trop de monnaie ?
W : Cela dépend de la définition de la monnaie. Je suspecte que c’est davantage une question de dépenses excessives ? On peut y remédier en réduisant les dépenses du gouvernement ou en réduisant les dépenses du secteur privé par divers moyens, mais également par des hausses d’impôt, des normes de prêt plus contraignantes, etc.
R : Si l’impôt permet de contrôler l’inflation, pourquoi se préoccuper de lui et de ses conséquences ?
W : Les hausses d’impôt réduiront la demande globale et l’inflation dans la mesure où l’inflation est causée par une demande excédentaire. Si ce n’est pas la cause – et ce n’est généralement pas le cas – il existe d’autres outils pour faire face aux augmentations de prix provenant de ces autres sources. Et il semble que les gens détestent davantage l’inflation que le chômage, non ?
R : On pense généralement que les taux d’intérêt sont censés être utilisés pour contrôler l’inflation ? Mais à quoi sert l’intérêt si l’impôt contrôle l’inflation ? Y a-t-il un bon taux d’inflation ?
W : Pas que je sache. Il peut y avoir une bonne économie dans un contexte de taux d’inflation à la fois bas et élevé.
R : Que signifie réellement le plein emploi ?
W : Pour moi, le mieux que nous puissions faire, c’est d’offrir un emploi de transition à toute personne désireuse et capable de travailler à la fois pour promouvoir la transition du chômage à l’emploi dans le secteur privé et pour agir comme un stock tampon plus efficace que le chômage pour le niveau des prix. À ce moment-là, nous nous trouvons continuellement dans une forme de plein emploi.
R : Qu’est-ce que la garantie d’emploi ?
W : Un autre nom pour l’emploi de transition décrit ci-dessus.
R : N’est-ce pas la même chose que le revenu de base universel ?
W : Non, avec le travail de transition, vous devez au moins » vendre votre temps » pour être payé.
R : Mais n’est-ce pas une simple distribution d’argent ?
W : Comme je l’ai dit plus haut, la valeur de la monnaie est fonction de ce qu’il faut faire pour l’obtenir du gouvernement, c’est un simple cas de tarification monopolistique.
R : Ce que vous voulez vraiment dire, c’est que nous allons tout simplement accumuler les dettes au détriment des générations futures ?
W : La dette publique est le montant dépensé par le gouvernement qui n’a pas encore été utilisé pour payer les impôts et qui demeure impayé jusqu’à ce qu’il soit utilisé pour payer les impôts sous forme de liquidités, de réserves et de titres. Les titres du Trésor ne sont rien de plus que des dépôts à terme de la monnaie à la banque centrale.
R : Si nous n’avons pas besoin de dette, avons-nous besoin de marchés monétaires ?
W : Non, ni pour la dette publique, ni pour les prêts interbancaires.
R : Mais n’ignorez-vous pas ici la dimension internationale ?
W : Non.
R : Vous dites que nous n’avons pas besoin de dette, mais nous avons besoin du reste du monde. Les autres pays ne vont-ils pas simplement jeter notre monnaie à la poubelle à la place ?
W : Qu’est-ce que cela signifie ? Les exportations sont des coûts réels, les importations des avantages réels. La richesse réelle consiste à optimiser les termes de l’échange réels. Les fluctuations monétaires en tant que telles ne modifient pas la richesse réelle.
R : Je ne suis toujours pas convaincu. Qu’en est-il de la République de Weimar, du Zimbabwe et même du Venezuela ? L’émission de la monnaie n’a pas si bien fonctionné là-bas, n’est-ce pas ?
W : Les problèmes ont varié d’un pays à l’autre. Weimar portait sur des dépenses déficitaires pour les réparations de guerre d’environ 5 % du PIB par mois et sur une perte massive de capacité de production. Le Zimbabwe a perdu sa capacité de production, a maintenu ses dépenses publiques comme avant et le système bancaire était une voie ouverte à la corruption.
R : Et qu’arrive-t-il aux pays qui n’ont pas leur propre monnaie ? Que dit MMT à leur sujet?
W : Ils sont désavantagés.
R : Qu’en est-il des pays qui ne peuvent pas emprunter dans leur propre monnaie, comme beaucoup ne le peuvent pas ?
W : Exemple ?
R : Compte tenu de tout cela, MMT n’est-il qu’un cas particulier sans réelle utilité ou change-t-il vraiment la façon dont nous devrions penser le monde de l’économie ?
W : C’est le cas général et cela changera votre façon de penser seulement si vous ne comprenez pas déjà MMT.
R : Convainquez-moi : à quoi ressemblerait un monde où l’économie est gérée comme MMT le suggère ? Pourrais-je voir la différence, et comment ?
W : Une forme de plein emploi continu est le résultat probable de la compréhension du système monétaire.
_____________________________________________________________
(i) Richard Murphy est comptable agréé et économiste politique britannique. Il travaille sur les questions d’évasion et de fraude fiscales. Il conseille le Trades Union Congress sur l’économie et la fiscalité, et est membre de longue date du Tax Justice Network. Il est professeur d’économie politique internationale à la International Political Economy at City University de Londres. Il a été conseiller de Jeremy Corbyn.
(2) Warren Mosler, ancien trader, économiste et théoricien américain, est l’une des principales voix en faveur de la théorie monétaire moderne (MMT).
Texte original : https://www.taxresearch.org.uk/Blog/2018/02/24/why-mmt-a-discussion-with-warren-mosler/