La MMT – Une introduction aux réalités opérationnelles du système monétaire

par

Scott Fullwiler

30 août 2010


Traduction par Robert Cauneau – MMT France


Fondamentalement, la MMT comporte deux volets. Le premier est une description du fonctionnement réel du système monétaire, principalement axée sur les interactions entre la banque centrale, le trésor et le système financier, bien que cette partie nécessite également une compréhension très approfondie de la littérature relative à Minsky de la part de nombreux MMTers. (Je le note parce que tant de détracteurs de la MMT ignorent ou ne sont pas au courant de la vaste documentation sur l’instabilité financière et la réforme du système financier qui traite de la MMT). Le deuxième est un ensemble de propositions de politiques qui découlent de cette description et qui sortent largement du cadre de cet articke, mais que l’on peut trouver dans un certain nombre de publications et de blogs sur la MMT (et, encore une fois, dans les nombreux documents sur la réforme du système financier qui traitent de la MMT).

La plupart des descriptions du système monétaire faites par la MMT sont d’une importance capitale pour l’élaboration de ses réalités opérationnelles, ce qui signifie généralement trois choses pour les MMTers :

1. Tout d’abord, il y a la logique comptable des transactions du monde réel.

Chaque transaction dans une économie réelle affecte les états financiers des personnes engagées, et si une théorie économique ou un modèle postulé n’est pas cohérent avec la façon dont les états financiers du monde réel sont affectés, alors la théorie est inapplicable. Un exemple typique utilisé par les MMTers est un cadre utilisé dans l’économie traditionnelle, le marché des fonds dits prêtables. Celui-ci présente une demande de fonds prêtables et une offre de fonds prêtables disponibles pour la macroéconomie, et contient des hypothèses classiques de la courbe de l’offre et de la demande sur les marchés de biens, selon lesquelles des prix plus élevés (dans ce cas-ci taux d’intérêt) susciteront plus d' »offre » (car les investisseurs détourneront plus de fonds d’autres utilisations, telles que des investissements risqués, et les rendront disponibles pour des prêts). Ce modèle est tout simplement inapplicable à notre système monétaire actuel, dans lequel des études empiriques ont démontré que les banques créent des prêts « à partir de rien », sans l’exigence de soldes de réserves ou de dépôts préalables pour « financer » la création du prêt. En fait, contrairement au modèle des fonds prêtables, la grande majorité des passifs bancaires ont été créés par les banques qui ont simplement augmenté leurs bilans au moyen de prêts et d’achats d’actifs. De même, il existe des identités comptables macroéconomiques, telles que l’équation souvent citée des soldes financiers sectoriels dans laquelle l’épargne du secteur privé national, ses actifs financiers nets, est par définition égale au déficit du secteur public et au solde du compte courant (voir ici, ici, et ici pour la poursuite de la discussion).

Les MMTers ont tout à fait conscience du fait qu’une compréhension exacte de la comptabilité n’est pas en soi une théorie.

Cependant, toute théorie pertinente doit simplement être conforme à la comptabilité du monde réel en tant que critère de base et, de plus, c’est justement cette sorte de compréhension de base de la comptabilité qui est assez souvent absente des théories économiques et de la façon dont le public et les décideurs politiques discutent et comprennent l’économie. En d’autres termes, l’accent que nous mettons sur la comptabilité n’a rien de trivial dans l’environnement actuel – c’est comme l’adage selon lequel il faut pouvoir ramper avant de marcher, et il n’est donc pas étonnant que la profession économique dans son ensemble continue à se marcher sur les pieds lorsqu’il s’agit de comprendre le système monétaire.

2. Ensuite, il y a logique tactique des opérations

La deuxième partie des réalités opérationnelles est la logique tactique des opérations nécessaires pour atteindre des objectifs fondamentaux et particuliers dans un régime monétaire donné. Les différents régimes monétaires ont des réalités opérationnelles différentes – l’émetteur de monnaie a une réalité opérationnelle différente de celle de l’utilisateur de monnaie. Une banque centrale qui utilise un étalon-or a des réalités opérationnelles différentes de celles d’une banque centrale qui utilise un taux de change flottant. La logique tactique des opérations telle qu’employée par les MMTers est (a) générale, dans le sens où il s’agit de considérer un système « pur » fiat sous des taux de change flottants, ou un État qui est un utilisateur de monnaie, et ainsi de suite – dans un sens général, ne se référant spécifiquement à aucune nation ou État particulier, et (b) particulièrement concernée par une hiérarchie d’autorité et donc une hiérarchie de la « monnaie« .

En ce qui concerne (a), par exemple, il est reconnu qu’en vertu d’un régime monétaire autre que celui de l’étalon-or ou des caisses d’émission, la banque centrale est en mesure d’élargir son bilan pour permettre le bon fonctionnement des systèmes de paiement de détail et de gros. Même dans ce cas, cependant, la logique opérationnelle des marchés interbancaires implique que, pour que la banque centrale atteigne son taux cible en l’absence d’intérêts sur les réserves au taux cible, elle doit compenser toute variation de son propre bilan (c’est-à-dire une augmentation de la devise qui, par identité comptable, draine les comptes de réserve bancaires) qui ne correspond pas aux avoirs en réserve souhaités par les banques au taux cible de la banque centrale. En ce qui concerne le point (b), il est reconnu que différents régimes monétaires font que les institutions occupent des espaces différents dans la hiérarchie monétaire : un gouvernement émetteur de devises doté d’un taux de change flottant se situe au sommet de la hiérarchie, tandis que, sous un étalon-or ou une union monétaire, sa place est plus basse dans la hiérarchie.

3. Enfin, il y a ce qui n’est pas possible…

Le troisième aspect des réalités opérationnelles est ce qui n’est pas possible compte tenu de la comptabilité et de la logique tactique. Un bon exemple à cet égard est le modèle traditionnel du multiplicateur monétaire qui suppose que les banques centrales ciblent les niveaux de réserve ou la base monétaire afin de cibler un agrégat monétaire via un multiplicateur monétaire. Mais le multiplicateur monétaire compromet à la fois la logique comptable et la logique tactique du système monétaire. Tout d’abord, comme indiqué plus haut, les prêts créent des dépôts et la création de davantage de passifs bancaires ne nécessite pas que les banques conservent plus de soldes de réserve; les banques utilisent les soldes de réserve pour régler les paiements et pour se conformer aux exigences en matière de réserves, mais la quantité de soldes de réserves détenus à ces fins n’est pour la plupart pas liée à la croissance des agrégats monétaires. Ensuite, en l’absence d’intérêts sur les réserves au taux cible, une banque centrale ne serait pas en mesure d’atteindre son taux cible si elle utilisait le modèle du multiplicateur monétaire et essayait de cibler directement les réserves (et, par extension, la base monétaire, comme toujours selon la logique tactique du système monétaire, la composante monétaire de la base monétaire est définie par les préférences de portefeuille du public). Au lieu du multiplicateur monétaire, une bonne compréhension des réalités opérationnelles du système monétaire montre que les banques centrales – en tant que fournisseurs monopolistiques de réserves au système bancaire – doivent fixer un objectif de taux d’intérêt (ou, dans le cas de la Fed en 1979-1982, une plage de fonctionnement du taux cible), mais ne peuvent cibler directement la quantité de réserves que si le taux cible est égal au taux de rémunération de la banque centrale sur les réserves.

Une description du fonctionnement du système monétaire totalement compatible avec la MMT

Bien que plus de 20 ans de littérature sur la MMT aient été publiés dans des livres, des revues avec comité de lecture et des documents de travail disponibles partout dans le cyberespace (la plupart se trouvent au CFEPS, au CofFEE, au Levy Institute et à MoslerEconomics), nous avons commencé récemment à bloguer, et il est clair que de nombreux commentateurs sur les articles liés à la MMT ignorent en grande partie que cette vaste littérature existe et sert de base à nos articles de blogs, qui sont nécessairement moins détaillés. En effet, au cours des 10 à 15 dernières années, j’ai parcouru personnellement toutes les publications de diverses sources officielles sur le fonctionnement du système monétaire (qui concernent la MMT) disponibles et je n’ai rien trouvé qui soit incompatible avec la façon dont la MMT le décrit. Nous avons eu de nombreuses conversations avec des personnes responsables des opérations de la Fed, du Trésor et des éléments concernés du système financier, et nous ne pouvons pas nous souvenir de désaccords importants à ce sujet. Il est intéressant de noter qu’un nombre croissant d’économistes néoclassiques publient des recherches décrivant le système monétaire d’une manière compatible avec la MMT (sans attribution appropriée, généralement), bien que ces descriptions n’aient pas encore été intégrées aux modèles néoclassiques de la macroéconomie.

Une confusion entre description des réalités opérationnelles et les obligations légales

En particulier en ce qui concerne les réalités opérationnelles des actions du Trésor, les posts de blogs des MMTers peuvent être critiqués. Cela tient en grande partie au fait que la compréhension par la MMT des réalités opérationnelles du système monétaire est totalement opposée à celle de l’économie néoclassique la plus enseignée. Mais une autre raison est qu’un certain nombre de personnes semblent confondre la description des réalités opérationnelles du système monétaire par la MMT avec les procédures que les lois et / ou réglementations en vigueur imposent.

Un exemple typique est un article de Stephanie Kelton intitulé « Les impôts et les obligations peuvent-ils financer les dépenses du gouvernement? » Cet article est un classique de la littérature sur la MMT publiée pour la première fois en 1998. Les principaux points de l’article de Kelton sont entièrement liés aux réalités opérationnelles du système monétaire existant: (1) Compte tenu de la logique comptable du bilan de la Fed, les modifications du compte du Trésor affectent la quantité de soldes de réserve en circulation, c’est-à-dire que les dépenses publiques créent des soldes de réserve, et que les taxes et les ventes d’obligations les détruisent; (2) Compte tenu de la logique tactique des opérations de la Fed visant à atteindre un objectif de taux d’intérêt, les flux à destination / en provenance du compte du Trésor doivent être compensés; (3) Conformément à la logique tactique des opérations de la Fed, les appels / ajouts au système fiscal et d’emprunt du Trésor sont universellement compris comme des opérations monétaires visant à minimiser l’influence des flux de trésorerie vers / depuis le compte du Trésor sur les opérations de la Fed – essentiellement réduire la complexité des opérations quotidiennes de la Fed, compte tenu en particulier de la capacité présumée supérieure du Trésor à prévoir le solde de son propre compte; (4) Les ventes d’obligations ressemblent beaucoup aux appels des comptes d’impôts et de prêts – opérations monétaires – car si le Trésor ne vend pas d’obligations, la Fed doit être en mesure d’atteindre son objectif de taux directeur; (5) Compte tenu de la hiérarchie de la monnaie, ce n’est pas le Trésor qui a besoin des soldes de réserve. En fait, comme le dit Kelton, le fait même de payer des impôts (lorsque la banque du contribuable règle son compte avec le Trésor) ou d’acheter un titre du Trésor se traduit également par la «destruction» des soldes de réserves, tandis que (6) l’acte de dépenses du gouvernement est la création de soldes de réserves.

Cela dit, les MMTers savent pertinemment que les gouvernements peuvent et doivent écrire des lois pour que leurs opérations de trésorerie soient légalement liées de certaines manières. Par exemple, la loi oblige la Fed à n’acheter des titres du Trésor que sur le «marché libre», ce qui l’empêche de prêter directement ou de fournir des découverts au Trésor. En d’autres termes, les cas « spécifiques » peuvent différer du cas « général » décrit par un opérateur de messagerie pour un émetteur de monnaie souveraine avec des taux de change flottants en ce sens que des contraintes auto-imposées spécifient des opérations particulières. Cela ne signifie toutefois pas que la fonction opérationnelle des ventes d’obligations du Trésor pour aider la Fed a changé. Au contraire, avec ou sans interdiction légale des découverts pour le compte du Trésor, la Fed ou le Trésor doit compenser les flux de / vers le Compte du Trésor pour atteindre le taux cible de la Fed (avec la mise en garde selon laquelle les intérêts sur les soldes de réserves peuvent potentiellement éliminer cette nécessité).

L’essentiel ici est de reconnaître qui se situe au sommet de la hiérarchie monétaire pour un régime monétaire donné. Étant donné que, dans le cas des taux de change flottants, c’est le gouvernement qui émet la monnaie, les contraintes sont tout simplement auto-imposées et non opérationnelles. Pour les MMTers, les inquiétudes selon lesquelles un pays ne peut pas «se permettre» de mettre à contribution ses capacités par des réductions d’impôts ou des dépenses ciblées (c’est-à-dire, PAS de renflouement du système financier ou de projets politiques préférés – les MMTers ne les aiment pas autant que quiconque) ressemblent à une personne qui a ses chaussures attachées l’une à l’autre et qui craint de ne pas pouvoir courir. En fait, c’est le fait même que de telles contraintes auto-imposées peuvent être et ont été ignorées dans le passé lorsque cela a été jugé souhaitable (par exemple, la loi exigeant que la Fed n’achetant des obligations du Trésor que sur le marché libre ait été périodiquement assouplie) comme le souligne Marshall Auerback récemment, en particulier lorsque des actions fiscales, telles que des crédits militaires en temps de guerre, sont considérées comme importantes, «nous n’allons pas en Chine pour leur donner un droit de veto sur ce que nous pouvons et ne pouvons pas dépenser. Nous ne faisons juste que dépenser la monnaie. « 

La contrainte auto-imposée à un émetteur de monnaie souveraine diffère donc nettement des contraintes imposées, par exemple, aux ménages ou aux entreprises, voire aux gouvernements des États fédérés, qui n’ont réellement pas la capacité d’émettre une monnaie non convertible – ces entités peuvent très certainement se retrouver dans la position métaphorique d’avoir leurs chaussures attachées ensemble et aucune capacité de courir, ou de marcher, car les contraintes ne sont évidemment pas simplement imposées. Ce n’est pas le cas pour l’émetteur de monnaie souveraine : s’il prétend que ces contraintes qu’il s’impose lui-même ont le même caractère que les contraintes opérationnelles imposées aux ménages ou aux gouvernements des États, il peut en résulter un chômage involontaire, des retraités vivant au-dessous du seuil de pauvreté, une défaite militaire, etc. En d’autres termes, alors que la capacité de « dépenser la monnaie » est reconnue en temps de guerre ou lorsqu’un renflouement financier est jugé nécessaire (du moins par les politiciens), les MMTers veulent que ce soit tout aussi évident lorsque le problème est le chômage involontaire, l’effondrement des infrastructures, les enfants ou retraités vivant sous le seuil de pauvreté, une grande ville ravagée par les catastrophes naturelles, etc. Veuillez noter que cela ne veut pas dire qu’un tel État devrait toujours dépenser simplement parce qu’il peut le faire sur le plan opérationnel, ce qui serait ridicule, mais plutôt qu’il n’y a rien de tel que de ne pas pouvoir « se permettre » de mettre la capacité inutilisée au travail ; la contrainte qu’il faut examiner, en premier lieu, est celle de savoir si cette capacité existe, mais aussi de reconnaître le fait que les mesures budgétaires ne sont pas toutes d’une efficacité comparable.

Les dépenses d’abord, les recettes fiscales ensuite…

Tout cela m’amène à la remarque souvent formulée au sujet de la MMT, à savoir que « les dépenses sont effectuées avant que les recettes fiscales ne soient perçues ou que les obligations ne soient vendues ». Si l’on élargit un peu cet énoncé pour y inclure les prêts de la Fed, alors cet énoncé est tout à fait correct en ce qui a trait aux réalités opérationnelles du système monétaire. Autrement dit, selon les logiques tactique et comptable, les impôts crédités au compte du Trésor et le règlement des adjudications d’obligations du Trésor ne peuvent se faire que par l’intermédiaire de comptes de réserve bancaire, alors que la source initiale des soldes des comptes de réserve des banques ne peut être que les déficits publics antérieurs (qui sont des comptes de réserve nets de crédits) ou les prêts de la Fed (pensions, prêts, achats de titres privés ou découverts – il convient de noter que tout achat d’une valeur du Trésor par la Réserve fédérale en contrepartie d’un déficit gouvernemental antérieur est nécessaire pour l’acquisition directe de valeurs par cette dernière de la Fed afin d’y ajouter ses propres réserves.) Par conséquent, la réalité opérationnelle est que pour que les impôts soient payés ou les obligations réglées, il faut qu’il y ait déjà eu des dépenses gouvernementales ou des prêts de la Fed au secteur non gouvernemental, et cela est vrai, que la Fed soit légalement interdite ou non d’accorder des découverts.

Toutefois, l’affirmation selon laquelle « les déficits ou les prêts de la Fed précèdent logiquement les paiements d’impôts et les ventes d’obligations » ne doit pas être interprétée comme « les MMTers pensent qu’il n’existe aucune obligation légale que le Trésor ait des soldes dans son compte avant de dépenser ou qu’il ignore la loi existante qui interdit aux découverts de la Fed pour le Trésor ». Comme je l’ai mentionné plus haut, il est clair que la Fed ne peut pas légalement fournir des découverts au Trésor, et tous les MMTers le comprennent en fait – la clé est de comprendre le fait que  » les déficits ou les prêts de la Fed précèdent logiquement les paiements fiscaux et les ventes d’obligations  » signifie et ne signifie pas. En d’autres termes, lorsque les MMTers parlent de ce dernier point, ils disent en fait que « les déficits ou les prêts de la Fed précèdent logiquement l’imposition et les ventes d’obligations en tant que réalité opérationnelle du système monétaire » (le cas général). Et ceci, ainsi que l’énoncé « le Trésor doit avoir des soldes positifs dans son compte avant que les dépenses en vertu du droit actuel » (le cas spécifique) ne sont en fait pas mutuellement exclusifs. Les deux peuvent être et sont vrais: le gouvernement peut et doit s’obliger, par sa propre contrainte, à obtenir des crédits sur son propre compte auprès de la Fed qui ont été créés via des déficits antérieurs ou des prêts de la Fed avant de dépenser à nouveau.

Enfin, pour bien comprendre les réalités opérationnelles associées au compte du Trésor auprès de la Fed, il faut reconnaître que le taux le plus bas que le Trésor s’attendrait raisonnablement à payer sur la dette nationale en cas de découvert sur son compte serait le taux cible de la Fed. Sur le plan opérationnel, la Fed devrait payer des intérêts sur les soldes de réserves au taux cible ou offrir par ailleurs ses propres dépôts à terme à des taux concurrentiels conformes aux taux cibles actuels et anticipés pour épuiser les soldes de réserve et atteindre son taux cible (dans le cas où le taux de rémunération sur les soldes de réserve est inférieur au taux cible, voire nul), ce qui réduit les bénéfices de la Fed restitués au Trésor et agit fonctionnellement comme un service de la dette pour le Trésor. La situation reste inchangée même si le déficit du Trésor public passe par un «largage en hélicoptère» pur en numéraire ou en pièces de monnaie, car le secteur privé déposera la grande majorité des fonds sur des comptes bancaires et les banques remettront à la Fed les excédents d’avoirs en cash en échange de soldes de réserves.

Trois degrés de déficits

On peut alors penser à trois degrés ou «formes» différents (empruntant la taxonomie utilisée par les économistes financiers pour décrire l’hypothèse d’efficience des marchés) liés aux déficits et aux intérêts sur la dette nationale d’un émetteur de monnaie à taux de change flottants. Les déficits «forts» se situeraient dans les cas où le Trésor aurait un découvert ou un risque similaire à la Fed et où les intérêts sur la dette publique seraient essentiellement au taux cible de la Fed ou en moyenne légèrement plus élevés si elle émettait des dépôts à terme pour éponger les réserves. Alors que la «forme forte» est « pure » sur le plan opérationnel, elle n’est manifestement pas l’objet d’une loi en vigueur aux États-Unis. Les déficits «semi-forts» seraient ceux où le Trésor ne dispose pas de découverts et doit émettre ses propres titres pour disposer de soldes positifs sur son compte avant de les dépenser à nouveau pendant que les titres émis – compte tenu de leur risque de défaut zéro qui résulte des réalités opérationnelles et du fait que toute «contrainte» sur le Trésor est auto-imposée – s’arbitrent principalement avec l’objectif de la Fed (pour les obligations du Trésor à court terme) et le taux cible attendu (pour les obligations du Trésor à plus long terme) en dehors de certains effets techniques (comme la convexité ) et certains problèmes d’offre / demande (comme la maturité et la liquidité à différentes échéances). Des exemples de la «forme semi-forte» se trouvent ici et ici. Les déficits de «forme faible» considéreraient que les marchés obligataires pourraient éventuellement choisir de répudier même la dette d’un émetteur de devise avec un risque de défaillance zéro (la «forme semi-forte» le fait aussi, mais suppose que l’effet est temporaire, car les relations d’arbitrage dérogent au moins à moyen terme), mais reconnaît que la Fed a toujours la possibilité de fixer le taux de marché des obligations du Trésor aussi longtemps qu’elle est disposée à acheter toutes les quantités proposées au prix proposé (et même contrainte juridique pour le faire). Par exemple, l’opération Twist de la Fed ou celle antérieure à l’Accord du Trésor ou, dans le cas des émetteurs non monétaires, en seraient des exemples, montrent comment la récente crise de l’UEM s’est rapidement estompée lorsque la BCE a commencé à acheter la dette de pays membres en difficulté.

Les trois formes, bien que de degré différent, reconnaissent que l’intérêt sur la dette nationale d’un émetteur en monnaie souveraine au taux de change flottant est une variable politique – et non un taux fixé par le marché – tout au moins, si le gouvernement le souhaite. Et notez que c’est le cas, que le Trésor reçoive ou non des découverts auprès de la Fed. En d’autres termes, puisque le résultat est à peu près le même dans les trois cas, le fait que le Trésor reçoive ou non des découverts dans son compte de la Fed n’a pas d’importance – s’il peut vendre sa dette à peu près à la cible de la Fed, il n’y a pas de différence économiquement significative du point de vue du Trésor entre le fait que le gouvernement se permette d’obtenir un découvert et le fait que le gouvernement s’interdise de le faire. Cette «contrainte» auto-imposée n’est vraiment pas une contrainte du tout, même si elle n’est jamais levée.


Texte original : http://www.moslereconomics.com/wp-content/pdfs/MMT-Scott-Fullwiler.pdf

Illustration : https://www.tui.fr

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