Esteban Cruz-Hidalgo [1]
Universidad de Extremadura
Dirk H. Ehnts
European University of Flensburg
Pavlina R. Tcherneva
Bard College, 2019
Traduction par Robert Cauneau – MMT France
Résumé
Les problèmes de conception de la zone euro (ZE) sont apparus lorsque, à la fin de 2009, plusieurs pays membres – notamment la Grèce – n’ont pas réussi à refinancer leur dette publique. La crise qui a suivi n’a pas été entièrement une surprise. Lors du lancement de l’euro en 1999, de nombreux économistes avaient averti que la monnaie unique n’était pas viable. Même les optimistes de la zone euro avaient fait valoir que le projet de l’euro devrait éventuellement être achevé. Plus de dix ans après la crise, les taux de chômage restent élevés et continuent de menacer la stabilité sociale, politique et économique de la zone euro. Les contraintes institutionnelles de la monnaie unique empêchent toutefois une action audacieuse pour relever ces défis. Dans cet article, nous suggérons de s’attaquer au double problème de la zone euro – ses défauts institutionnels et son chômage de masse – en créant un Trésor Européen, qui financerait un programme de Garantie d’Emploi GE), qui éliminerait le chômage de masse, renforcerait la stabilité des prix et favoriserait l’intégration sociale et économique en Europe.
INTRODUCTION : ALARME DANS LA ZONE EURO
La crise de la zone euro a commencé à la fin de 2009 lorsque les rendements des obligations d’État grecques ont atteint des sommets et ont divergé de ceux des autres pays de la zone euro. Cela a provoqué des taux de chômage en Europe et surtout dans la ZE qui ont dépassé ceux des autres économies non européennes. La crise de la ZE, qui a été en partie déclenchée par la Grande Crise Financière vécue dans le reste du monde, est un phénomène résolument européen, un peu comme la récession à double creux qui a suivi à la fin de 2012. La sous-performance de l’économie de la ZE a fait l’objet de diverses réformes, tant au niveau européen qu’au niveau national, aucune d’entre elles (à notre avis) ne s’attaquant à l’essence du problème européen. Dans le présent article, nous soutenons que les problèmes sont de nature macroéconomique et découlent en grande partie de la conception de la ZE. Nous proposons qu’ils pourraient être corrigés par deux réformes dans la ZE (une réforme institutionnelle et une réforme politique), à savoir la création d’un Trésor Européen et la mise en place d’un programme de Garantie d’Emploi à l’échelle de la ZE.
Il existe un lien inhérent, voire immédiatement évident, entre les deux politiques (le Trésor Européen et la Garantie d’emploi), qui réside dans la nature des monnaies modernes. Dans le monde moderne, l’imposition par le gouvernement de contraintes obligatoires et non réciproques (par exemple, les impôts), et l’exigence qu’elles soient réglées dans la devise même du gouvernement, créent un type particulier de « chômage monétaire », car les gens sont obligés d’obtenir la devise nationale pour régler leurs impôts. Étant donné que, normalement, les États-nations conservent le monopole de leur devise, ils ont la possibilité d’éliminer ce type de chômage monétaire en élaborant une méthode d’approvisionnement en monnaie compatible avec le plein emploi. Même si peu d’États-nations l’ont fait (pour des raisons qui vont au-delà de la portée de ce document), les pays de la ZE n’ont même pas cette prérogative, car ils ont renoncé au monopole de leur devise nationale. Ce que nous voulons souligner, c’est que, s’il existe un chômage monétaire imputable à une demande globale déficiente et à des contraintes de préférence keynésiennes en matière de liquidité, il existe également un type de chômage monétaire dû à la nature du système monétaire. Pour cette raison, nous proposons la création d’un Trésor Européen en tant que moyen de corriger le défaut institutionnel de la conception sans précédent historique de l’euro, qui a donné naissance à une monnaie sans État. La GE est une méthode particulière pour fournir la devise nationale qui se distingue des méthodes traditionnelles de gestion de la demande globale. Même si les critères de Maastricht étaient assouplis et qu’un Trésor européen était créé, le plein emploi à long terme ne serait pas garanti par les mesures conventionnelles de gestion de la demande globale. En effet, nous avons observé des périodes de forte croissance qui connaissent encore du chômage. La garantie de l’emploi est une approche ciblée de la demande visant à résoudre le problème du chômage à toutes les étapes du cycle économique, grâce à une politique novatrice d’emploi direct ascendant, qui peut également viser d’autres objectifs d’intérêt public tels que l’investissement Vert. Il est également supérieur aux mesures classiques d’amorçage de la pompe car il s’agit d’une politique budgétaire anticyclique robuste à l’échelle européenne, qui ne crée ni trop, ni trop peu de dépenses pour produire et maintenir un plein emploi strict à long terme.
Dans la mesure où la GE repose sur l’idée que la devise nationale est une création de l’État et que l’État est normalement le monopole de l’émetteur de sa devise, il nous semble logique de commencer par créer un Trésor Européen, puis de procéder à une politique macroéconomique visant à assurer le plein emploi et la stabilité des prix sous la forme d’une GE. En bref, nous proposons que le Trésor Européen établisse une nouvelle institution fiscale qui émettrait des titres souverains. Pour simplifier, nous les appelons euro-bonds. Les euro-bonds seraient éligibles en tant que garantie pour emprunter auprès de la Banque centrale européenne (BCE) dans toute la mesure du possible. Comme la BCE n’est interdite que de financer directement les gouvernements nationaux, elle pourrait donc apporter son soutien total aux euro-bonds, ce qui signifie qu’elle pourrait promettre d’acheter autant d’euro-bonds que nécessaire. En tant qu’acheteur en dernier recours, elle garantirait que les investisseurs seront toujours en mesure de vendre des euro-bonds à un prix équitable sans créer une chute importante du prix des euro-bonds. Ainsi, la BCE garantirait une liquidité suffisante sur le marché des euro-bonds. De facto, le Trésor Européen dépenserait d’abord, et taxerait ensuite, éliminant ainsi la nécessité de financer le budget de l’Union européenne en transférant de la monnaie à partir des budgets des pays membres de la zone euro [2] .
Après avoir rétabli un émetteur de monnaie souveraine au niveau européen, une GE Européenne pourrait être mise en place. La GE offrirait un emploi à tous les citoyens de la ZE qui sont disposés et aptes à occuper un emploi financé par le gouvernement européen et rémunéré au salaire minimum. Bien que tous les pays de la ZE ne disposent pas d’un salaire minimum, il n’est pas nécessaire de les obliger à en introduire un, car le salaire garanti au travail deviendrait le salaire minimum de facto. La figure 1 ci-dessous montre les niveaux de salaire minimum existants. Le Danemark, l’Italie, Chypre, l’Autriche et la Finlande n’ont pas de salaire minimum national. Les emplois seraient créés au niveau communautaire et offerts sur demande à quiconque en aurait besoin. Une aide pour la transition du filet de sécurité pour l’emploi GE serait offerte aux personnes cherchant un emploi mieux rémunéré dans le secteur privé. Le programme aurait des fonctions de stabilisation cycliques clés qui sont explicitées ci-dessous.

L’introduction conjointe d’un Trésor Européen et d’une GE permettrait au taux de chômage de la ZE de baisser beaucoup plus rapidement que dans les conditions actuelles et d’atténuer le stress social causé par le chômage. Comme nous le verrons, cette proposition originale est différente de celles qui ont été lancées au sein même de l’Union européenne.
Dans les sections suivantes, nous examinons d’abord plus en détail les institutions de la ZE qui avaient été créées dans les années 90 et nous les évaluons à la lumière de la grande crise financière et de la crise de la ZE. Nous expliquons ensuite plus en détail le Trésor Européen, adapté au cadre institutionnel de l’Union européenne. Suit une discussion sur la GE, d’abord en termes généraux, puis en termes d’adaptation au contexte européen. La dernière partie résume nos conclusions et nos commentaires sur la faisabilité de ces réformes.
UNE CONCEPTION QUI NE FONCTIONNE PAS
L’Union Monétaire Européenne a été complétée en 1999 par la fixation irrévocable des taux de change des devises nationales des pays participants. La décennie précédente de délibérations européennes a été marquée par l’apparition de lignes de fracture, non pas entre gauche et droite, mais entre ceux dont la pensée économique était enracinée dans le monétarisme et ceux qui ont fondé leurs idées sur le chartalisme (Goodhart 1997, 1998).
Il semble qu’en 2019, onze ans après le crash de Lehman Brothers et dix ans après le début de la crise de l’euro, il est maintenant établi que les avertisseurs selon lesquels l’Euro ne fonctionnerait pas ont été exacts. Sans le rôle stabilisateur de la politique budgétaire, les taux de chômage et la croissance économique en général ont divergé. Avec le recul, il est clair que les dépenses publiques dans la ZE ont été trop faibles pour atteindre le plein emploi, sont encore trop basses et, compte tenu des réformes institutionnelles récentes, continueront à être trop basses [3] .
Parmi les économistes hétérodoxes liés à l’approche post-keynésienne, des auteurs suggèrent que la conception de l’euro est une « stratégie délibérée pour institutionnaliser le néolibéralisme dans l’Union européenne » (López-Castellano et García Quero 2019: 10). Il existe un large consensus sur le fait que « le péché originel de l’euro est la séparation entre politique budgétaire et monnaie souveraine » (Soy 2014: 6), au-delà du débat sur le point de savoir si la crise de la ZE constitue un problème de balance des paiements (Cesaratto 2015: 152) ou de souveraineté monétaire (Lavoie 2015: 14).
Les économistes espagnols hétérodoxes ont préconisé les politiques suivantes pour améliorer la viabilité des finances publiques:
a. Une combinaison de recettes et de dépenses publiques garantissant une croissance annuelle du PIB de 3% grâce à l’effet multiplicateur. (Uxo et al. 2018).
b. Réforme du mécanisme TARGET 2 (Barredo-Zuriarrain et al. 2017)
c. Restructuration de la dette par l’intermédiaire de la BCE (Ayala 2018).
d. La création d’une autorité budgétaire supranationale (Portella-Carbo, Dejuán 2018; Febrero et al. 2018).
La première proposition a été baptisée « multiplicateur (partiellement) équilibré du budget » et a visé à augmenter l’espace budgétaire de l’économie espagnole sans accroître le déficit public. Uxó, Álvarez y Febrero soulignent qu’il s’agit d’une mesure imparfaite (Uxó et al. 2018: 5), car « la nécessité de prendre en compte les effets de l’expansion budgétaire sur le ratio dette publique / PIB découle du cadre institutionnel particulier de la ZE « (Uxó et al. 2018: 22) [4] .
Barrero-Zurriarain, Molero-Simarro et Quesada Solana (2017) s’attachent à réformer le mécanisme de TARGET 2 en ajoutant une caractéristique du système monétaire international décrite par Keynes après les accords de Bretton Woods de 1944 dans le but de répartir la charge symétrique entre pays en déficit ou en excédent. Dans le but de « réduire la dette afin de libérer des ressources supérieures au plan Marshall ou au New Deal nord-américain » (Ayala 2018: 26), Ayala adhère au plan PADRE (restructuration de la dette politiquement acceptable dans la zone euro) proposé par Pâris et Wyplosz (2014), qui suggère qu’il peut s’agir d’un « consensus permettant de générer un paradigme de croissance progressive dans le processus d’intégration » (Ayala 2018: 22).
Enfin, nous avons la réforme qui impliquait un approfondissement de l’intégration européenne, à savoir la création d’une autorité budgétaire supranationale. La coordination des capacités d’émission de fonds avec la politique budgétaire permettrait à « une autorité fiscale fédérale d’engendrer des déficits proportionnels à l’écart des dépenses privées », comme le souligne Mitchell et comme l’ont déjà reconnu les rapports Werner et MacDougall de 1970 et 1977 (Mitchell 2016: 67). Malgré cette reconnaissance, la recommandation a été abandonnée par le rapport Delors de 1989, qui a abouti au traité de Maastricht, laissant la Banque centrale européenne comme la seule institution supranationale à mener une politique macroéconomique, aveuglée par la pensée néolibérale et le recours abusif à la notion de subsidiarité. L’avancée vers une Europe fédérale est peut-être l’une des réformes les mieux connues, même si les recommandations de mise en œuvre ont été très hétérogènes. Ehnts (2016) a proposé deux solutions possibles aux faiblesses économiques et institutionnelles de l’UEM. La première consiste à retourner vers les devises nationales et la seconde à instituer un Trésor Européen. Reconnaissant que la politique joue un rôle important dans la décision, nous sommes conscients que la dimension économique en est une parmi beaucoup d’autres. Étant donné que l’économie des devises nationales est bien établie, nous passons à la deuxième possibilité, à savoir la création d’un Trésor Européen. Sa tâche principale consisterait à financer le programme européen de GE, qui est expliqué dans la section suivante.
La GE fonctionnera dans l’objectif de « maintenir les dépenses au niveau pour lequel la demande totale du système ne génère ni inflation ni déflation » (Lerner 1957: 329); ainsi, nous pouvons la définir comme un instrument permettant de réaliser le plein emploi et la stabilité des prix. Cette alternative ne dépend pas du taux de croissance pour créer des emplois à l’instar des stratégies keynésiennes traditionnelles de demande globale d’amorçage. Le keynésianisme traditionnel ne parvient pas à mettre un terme définitif au chômage, car « l’emploi est au bout du mécanisme de transmission », un sous-produit d’une stratégie en faveur de la croissance qui se concrétise de moins en moins (Tcherneva 2014: 54); tandis que la GE accorde la priorité à la création d’emplois et assure une croissance favorable à l’emploi, en bannissant totalement les reprises sans emploi. La politique « considère le plein emploi, une meilleure répartition des revenus et une croissance durable comme des objectifs complémentaires » (Tcherneva 2014: 58), comme nous l’expliquerons dans la section 3 de ce document.
L’idée d’un Trésor Européen n’est pas nouvelle. Elle est apparue dans les années 1970 dans les rapports Werner et MacDougall. Dans le contexte de la crise de la ZE, l’idée a refait surface. La Commission européenne (2015) a publié le rapport des cinq présidents, comprenant un Trésor Européen. Cependant, la proposition était faible car le Trésor Européen n’aurait pas été habilité à émettre des obligations. Nous pensons que seul un véritable Trésor Européen doté de ce pouvoir constituerait un pas en avant. Il est désormais évident que le transfert du pouvoir des budgets publics aux «marchés» n’est plus acceptable et qu’il faut inverser la tendance pour que la ZE puisse survivre. Le seul moyen d’empêcher les « marchés » d’influencer les politiques publiques est de laisser un Trésor de la ZE enregistrer des déficits constants, générant des excédents du secteur public pour les Trésors nationaux des États membres. Les excédents constants et importants, ainsi que la promesse de la BCE d’acheter de manière soutenue des obligations d’État sur les marchés secondaires, permettront de dissiper complètement les pressions des spéculateurs et élimineront ainsi l’un des principaux défauts du modèle de la ZE. Le pacte de stabilité et de croissance continuera d’exister et pourra rester en place. Le Trésor Européen fonctionnera comme un Trésor national. Il émettra des obligations – des euro-bonds – pour se financer. Les obligations pourront être achetées par les banques, qui pourront emprunter à la BCE en utilisant les euro-bonds en garantie [5] . Ce mécanisme fonctionnera exactement comme lorsque les Trésors nationaux veulent dépenser. Ils émettent des obligations du Trésor, les vendent à des banques pouvant emprunter auprès de la BCE (contre des garanties) et dépensent les dépôts de la banque centrale accumulés sur le compte de leur banque centrale nationale. Les réserves sont créées par la BCE à l’initiative des banques.
Le budget du gouvernement de la ZE dépendra des décisions politiques des organes démocratiques. Le produit de l’émission d’obligations créera des dépôts à dépenser auprès de la BCE. La soi-disant « finance saine » ou « règle d’or » sera remplacée. Une question importante est ce que sera exactement le gouvernement de la ZE. Bibow (2014) a suggéré que le Trésor Européen soit « établi comme un moyen de mutualiser les dépenses d’investissement public de la ZE et de les faire financer par des titres propres du Trésor de la ZE » . [6] Ehnts (2016: 201) propose que Bruxelles prenne en charge la fourniture européenne de certains biens publics, comme l’éducation.
À l’heure actuelle, la Commission européenne est le quasi-gouvernement de l’Union européenne (UE). Cependant, tous les pays de l’UE ne font pas partie de la ZE. La question qui se pose naturellement est de savoir quelle institution doit déterminer comment et dans quel but les fonds seront dépensés. Le gouvernement de la ZE pourrait revêtir de nombreuses formes. Il pourrait s’agir d’une chambre qui s’ajouterait aux autres institutions et remplacerait l’Eurogroupe ad hoc, voire le Parlement européen. Alternativement, il pourrait y avoir une réforme pour que la Commission européenne devienne une institution plus démocratique. Les membres du Parlement européen pourraient automatiquement devenir membres du Parlement de la ZE si leur pays d’origine est un État membre de la ZE. Ces détails doivent être élaborés et mis en discussion publique.
L’introduction d’un Trésor Européen n’entraîne pas en soi un « plus d’Europe » ou un « gouvernement plus grand ». Les dépenses publiques supplémentaires provenant du niveau européen pourraient inclure des transferts aux gouvernements locaux ou régionaux, augmentant ainsi leurs possibilités budgétaires. On peut imaginer l’Europe comme un collectif de régions pouvant être ainsi renforcées. D’un autre côté, il serait également possible de donner plus de poids à Bruxelles et de laisser Bruxelles payer pour la fourniture de certains biens publics et peut-être d’autres régimes sociaux européens. La question de savoir quoi faire est finalement politique. Il serait sage de concevoir des institutions permettant à l’UE de s’adapter aux idées changeantes sur le niveau d’intégration politique et économique de la majorité des Européens. En ce qui concerne la taille du gouvernement européen, il appartient également à l’électorat d’exprimer ses préférences. Comme dans les États-nations européens avant l’introduction de l’euro, les dépenses publiques ne sont pas simplement motivées par des raisons macroéconomiques, mais surtout parce que les pouvoirs publics peuvent fournir des ressources, des biens et des services essentiels aux personnes. Dans notre proposition, la GE substitue les politiques keynésiennes d’ancienne génération « amorçant la pompe » à un stabilisateur macroéconomique automatique supérieur. [7]
LA GARANTIE DE L’EMPLOI EN TANT QUE MÉCANISME DE DÉMOCRATISATION
Un Trésor peut être une condition nécessaire mais non suffisante à la résolution des malheurs économiques de la ZE. Ce qu’il faut également, c’est une politique budgétaire clairement définie pour l’ensemble de la ZE. Les conditions minimales nécessaires à une telle politique budgétaire à l’échelle européenne sont les suivantes:
a) des dépenses publiques suffisamment importantes par rapport au PIB de la zone euro pour compenser les fluctuations des dépenses et des investissements du secteur privé;
b) un mécanisme de financement via la coordination entre le Trésor Européen et la BCE, qui ne peut être compromis en cas de récession grave, précisément au moment où cela est le plus nécessaire;
c) la conception de la politique autour des principes de la finance fonctionnelle qui mettent l’accent sur l’impact économique et humain de la politique plutôt que sur un résultat budgétaire spécifique (voir plus bas).
Nous proposons un programme de GE à l’échelle de la ZE qui éviterait le principal écueil de la gestion de la demande globale conventionnelle, à savoir son incapacité à faire face au principal handicap des récessions, le chômage de masse. Les reprises sans emploi sont devenues endémiques, même dans les pays caractérisés par de fortes fluctuations contracycliques de la politique budgétaire, comme aux États-Unis (Tcherneva 2012). Cet échec politique tient à la réduction des dépenses publiques en tant que politique de première réponse en cas de crise, mais également à la manière dont elle a été déployée. Au début de l’après-guerre, la création directe d’emplois et l’investissement public étaient des réponses courantes aux récessions et au chômage de masse. À l’ère néolibérale, cependant, la politique budgétaire s’est largement limitée à des réductions d’impôts (particulièrement au sommet de la répartition des revenus), à l’affaiblissement croissant des transferts de revenus (principalement l’assurance-chômage et autres aides temporaires en espèces) et aux subventions fermes, qui après la crise de 2008 sont largement allées au secteur financier. L’idéologie qui a motivé ces réponses a dicté que, tant que le secteur bancaire deviendrait solvable et que le fardeau fiscal des familles riches diminuerait, l’investissement, la croissance et la création d’emplois suivraient.
Aucune de ces mesures n’a permis la création d’emplois dont le monde a cruellement besoin. Les États-Unis, qui ont bénéficié d’une impulsion budgétaire importante – plus de 10% du PIB – ont connu leur plus longue et plus intense reprise sans création d’emplois de l’histoire. Et bien que les États-Unis aient réussi à réduire leurs taux de chômage une décennie plus tard, les chiffres du chômage cachent des problèmes plus profonds d’insécurité économique (par exemple, les revenus réels de 90% des familles n’ont pas augmenté entre 1997 et 2017, alors que les revenus des 0,01% les plus riches les ménages ont considérablement augmenté de 60% au cours de la même période). De l’autre côté de l’océan, l’Europe est aux prises avec un taux de chômage élevé, qui reste au niveau de la dépression chez les jeunes dans la majeure partie du continent.
La douleur et la détresse associées au chômage, à l’insécurité économique et aux perspectives réduites d’un travail stable et bien rémunéré ne sont rien de moins qu’une crise sociale en préparation qui pourrait bien être, comme Junker l’avait prévenu, la perte de l’Europe. Le chômage masque un grand nombre d’autres problèmes sociaux et politiques – du suicide au crime, en passant par la criminalité, les problèmes de santé, les troubles politiques, l’antagonisme social et la xénophobie croissante. Une Europe qui devait s’unir a créé plus de divisions que ses architectes n’auraient pu l’imaginer.
La GE est bien plus qu’une politique de création d’emplois, c’est un outil d’intégration des politiques sociales et macroéconomiques dans la ZE. La proposition vise à remplacer le NAIRU par une politique de stabilité macroéconomique produisant un plein emploi strict et renforçant la stabilité monétaire et des prix. La GE incarne l’approche financière fonctionnelle de Lerner, qui recommande que toute politique soit entreprise et évaluée sur la base de ses effets économiques et de l’activité humaine, et non par une identité comptable ex post appelée le solde budgétaire (Lerner 1943: 354).
Les objectifs de Maastricht en matière de déficit au niveau national peuvent être atteints par une politique budgétaire efficace à l’échelle de la ZE. Toutefois, les dépenses déficitaires, en général, sont endogènes et constituent donc un objectif stratégique inapproprié – tant les dépenses que les recettes fiscales évoluent indépendamment les unes des autres et dépendent des conditions économiques sous-jacentes. Aucun cas n’a mieux illustré l’endogénéité du budget que les réformes structurelles imposées à la Grèce. En 2009, le ratio de la dette grecque par rapport au PIB était de 112%. A la fin de toutes les réformes structurelles en 2015, il avait explosé à 177%. L’austérité sévère a eu pour effet d’écraser la production, les revenus et les recettes fiscales, nécessitant de nouvelles dépenses sociales (malgré les réductions draconiennes que le pays avait déjà connues).
En somme, le gouvernement a été contraint d’emprunter et de dépenser en déficit, malgré l’insistance de la troïka pour que les réformes rétablissent l’équilibre budgétaire. En effet, les propres estimations du FMI concernant la baisse du PIB qui résulterait des réformes structurelles étaient terriblement inadéquates. À la fin des réformes, la Grèce avait perdu un quart de son économie, un déclin prolongé du PIB qui a rendu la récession plus longue et plus grave que celle de la Grande Dépression aux États-Unis et au Royaume-Uni. Il en a résulté un taux de chômage national et un taux de chômage des jeunes de 25% et 60% respectivement, une pauvreté des enfants et des personnes âgées de 40%, des suicides de 35%, et 60% des familles grecques en insécurité alimentaire.
L’approche de la finance fonctionnelle fait valoir qu’il n’y a aucune raison économique de soumettre l’économie réelle à certaines considérations budgétaires dans les États nations dont la politique budgétaire et monétaire est financée de manière indépendante. Avec un Trésor Européen en place, les pays de la ZE peuvent poursuivre une finance fonctionnelle autour des principes du plein emploi et de la stabilité des prix.
La GE remplace non seulement le NAIRU comme guide stratégique, mais le programme sert aussi de filet de sécurité pour contrer les stigmates du chômage. Il s’agit également d’une mesure préventive contre les pics massifs de chômage tels que ceux de la crise de 2008. Enfin, la GE est une politique d’harmonisation qui peut assurer la convergence économique en instituant un salaire de base pour l’ensemble de la ZE.
a) Qu’est-ce que la Garantie d’Emploi ?
La GE (Tcherneva 2018), aussi parfois appelée Employeur de dernier recours (Tcherneva 2012), est une opportunité d’emploi volontaire dans le secteur des services publics offerte à toute personne au chômage qui a besoin d’un emploi de base, d’un salaire supérieur à la pauvreté. Il s’agit d’une option publique pour les emplois qui est financée par le Trésor de la ZE mais mise en œuvre et administrée au niveau local. Une proposition similaire existe en Europe, appelée Garantie Jeunesse (GJ), qui vise à s’attaquer aux coûts sociaux énormes et aux effets néfastes du chômage des jeunes. Cependant, le programme GJ est largement inefficace parce qu’il impose le fardeau du financement du programme aux pays membres à court d’argent, qui n’ont aucune incitation à aller de l’avant avec sa mise en œuvre. Bien que la GJ puisse servir de modèle à étendre, il est important de noter que, pour nos besoins, la GE est un mécanisme macroéconomique spécifique pour la stabilisation économique.
b) Stabilisation macroéconomique grâce à la Garantie d’Emploi.
En ce qui concerne la stabilisation macroéconomique, la politique peut s’articuler autour de deux options : soit utiliser le chômage comme stock tampon qui fluctue avec le cycle économique et apprivoise les forces de l’inflation ou de la déflation, soit utiliser un stock tampon d’emplois à cette même fin. Le NAIRU est ancien – le chômage fluctue autour de lui, s’élargissant pendant les récessions et diminuant pendant les périodes d’expansion. Toutes les dépenses sociales consacrées au chômage servent de » stimulant » qui empêche l’effondrement de la demande globale et compense en partie les forces déflationnistes, tandis que les dépenses budgétaires diminuent lorsque le chômage s’accroît. Si l’expansion est jugée trop forte, la politique monétaire prend le relais, ralentissant la croissance du crédit et l’emploi. Essentiellement, la politique vise explicitement un bassin donné de chômeurs (le NAIRU).
La GE sert les mêmes objectifs, sauf qu’il s’agit d’un stabilisateur automatique largement supérieur, car il prévient les stigmates et les coûts sociaux importants du chômage. Si l’Europe mettait en place une politique de disponibilité consistant à embaucher des chômeurs à tous les stades du cycle économique à un salaire de base (non concurrentiel), le bassin de GE s’élargirait avec les récessions à mesure que les gens seraient mis à pied et adhéreraient au programme. Les dépenses liées à leur emploi sont le stimulant même qui redonne vie à l’économie européenne. Au fur et à mesure que le secteur privé se rétablit, le programme aide les travailleurs de la GE à faire la transition vers des possibilités d’emploi mieux rémunérées dans le secteur privé. La stabilisation macroéconomique et la stabilisation des prix se font de la même manière qu’avec le NAIRU, sauf qu’il s’agit alors d’un bassin fluctuant de travailleurs du secteur public.
c) Ancre de prix supérieure
Les stocks tampons de chômage basés sur le NAIRU utilisent le chômage pour contrôler l’inflation. Les gouvernements fixent leurs budgets et paient des prix variables sur le marché. La GE est conçue de manière à ancrer les prix en établissant un salaire GE fixe et en permettant au budget (c’est-à-dire aux dépenses d’embauche des chômeurs) de flotter de manière anticyclique. La GE achète essentiellement toute la main-d’œuvre excédentaire disponible à la vente et fixe le prix de la main-d’œuvre à l’ensemble de l’économie de la ZE (ce qui en fait une politique efficace de salaire minimum). Ce mécanisme est bien compris en ce qui concerne les autres produits. Il y a eu de nombreux programmes de stocks tampons au cours de l’histoire dans le but de stabiliser le prix de l’or, de la laine, du maïs ou de l’argent. La GE fonctionne sur un principe similaire, que l’on peut appeler NAIBER (Non-Accelerating Inflation-Buffer Employment Ratio; voir Mitchell, Mosler 2002).
Comme le travail est un intrant de la production de pratiquement tous les autres produits, une fois que le salaire GE est fixé de manière exogène, il devient un point d’ancrage – une référence stable – pour tous les prix. En outre, la GE est plus « liquide » car l’achat et la vente du « produit de base » sont supérieurs à ceux du « produit de chômage ». En termes simples, les entreprises ne souhaitent pas embaucher des chômeurs. Cela crée la situation paradoxale des entreprises qui se plaignent de la pénurie de main-d’œuvre à un moment de chômage massif. Cela se produit parce que les entreprises assimilent même une courte période de chômage à une perte très importante de capital humain et de productivité (Eriksson, Rooth 2014). En revanche, la GE produit des résultats utiles. Elle augmente à la fois la demande globale et l’offre globale. Ce volume de travail, ajouté à la masse de travail mobilisée par les capitalistes dans les activités de production privées, compense les effets négatifs sur la valeur de la monnaie qui découlent de paris commerciaux ratés financés par des banques privées (Cruz-Hidalgo et al. 2019: 11- 12). Avoir un stock régulateur d’emplois permet à l’économie de la ZE de fonctionner à un niveau de production non inflationniste supérieur à celui d’un stock régulateur de chômage.
Pour récapituler, la GE modère les fluctuations des prix beaucoup plus efficacement que le bassin de chômeurs. Les travailleurs GE sont embauchés par des entreprises du secteur privé en cas de pressions inflationnistes et par le gouvernement en cas de pressions déflationnistes. En tant que tels, ils veillent à ce que les dépenses de GE (le budget de la GE) ne soient jamais trop grandes ou trop petites. Il suffit toujours de produire le plein emploi avec une stabilité des prix. Un tel programme pour les employeurs de dernier recours établirait effectivement une norme de la valeur du travail suggérée par Mosler (1997: 175). La manière dont la monnaie est introduite dans l’économie est importante, car elle a des implications sur le niveau des prix, la valeur de la monnaie et l’emploi en général (Tcherneva 2013a).
d) Réforme structurelle, filet de sécurité et outil de prévention
Plus important encore pour l’Europe, qui est aux prises avec un chômage structurel prolongé, la GE devient un programme de réforme structurelle essentiel car il cible les régions en difficulté et combine la formation et l’expérience en cours d’emploi avec d’autres investissements en capital humain. Non seulement le capital humain est maintenu et valorisé, ce qui apporte des gains de productivité, mais la GE réduit également les énormes coûts sociaux et économiques directs et indirects du chômage. Les effets stigmatisants, la perte de revenu, l’augmentation de la mortalité et des coûts médicaux, l’impact négatif sur les enfants et les conjoints des chômeurs sont bien documentés (Tcherneva 2017). La GE présente d’importantes caractéristiques préventives et réduit le coût élevé que supporte déjà la société de l’assurance-chômage. Elle prévient également les effondrements importants de la demande globale, des investissements et des bénéfices, tout en réduisant automatiquement l’assurance-chômage, l’aide sociale et les autres aides. Elle prévient la pauvreté de masse et l’insécurité économique du chômage, de l’oisiveté et de la délinquance des jeunes, tout en renforçant les services publics qui ont été négligés en raison de la réduction radicale de l’espace budgétaire au niveau national. La GE peut être orientée vers les travaux publics et d’autres projets d’infrastructure qui favorisent la croissance de la productivité, l’efficience et la compétitivité du secteur privé.
En tant que programme d’emploi à grande échelle, la GE peut aussi devenir le principal véhicule institutionnel pour atteindre d’autres objectifs généraux d’intérêt public. Par exemple, aux États-Unis, la GE a été qualifiée d’élément le plus crucial du programme Green New Deal (Atlantic 2018). L’Europe cherche elle aussi des moyens de répondre au changement climatique mondial imminent. En tant que politique qui utilise les ressources des chômeurs à des fins productives, la garantie d’emploi peut être le mécanisme de coordination pour lancer de nombreux projets verts nécessaires à travers le continent.
e) Mobilité de la main-d’œuvre et intégration sociale et économique
Aujourd’hui, la mobilité de la main-d’œuvre dans la ZE se fait sous la contrainte. Les travailleurs des pays périphériques cherchent des emplois dans le noyau économique de la ZE. Ce processus, à son tour, impose un lourd fardeau sur les infrastructures et les services publics dans les principaux pays. À l’heure actuelle, de nombreux gouvernements européens luttent contre de vastes programmes de soutien du revenu pour lutter contre le chômage et ressentent le besoin pressant de créer des opportunités d’emplois décents pour tous, en particulier pour les jeunes générations. Il existe divers programmes expérimentant la création d’emplois, du programme autrichien pour les chômeurs de longue durée au programme de garantie pour la jeunesse à Bruxelles, qui est élargi à tous les chômeurs, aux projets de chômage zéro en France, aux programmes de courte durée mais très efficaces de Future Jobs Fund au Royaume-Uni.
Pourtant, aucun de ces programmes n’est capable de lutter contre le chômage de masse à l’échelle nationale, encore moins de constituer le programme anticyclique, structurel et préventif à grande échelle pour l’ensemble de la ZE que nous décrivons ici. Et aucun de ces efforts ne sera totalement couronné de succès sans une source de financement dédiée et un engagement institutionnel visant à enrayer les coûts élevés du chômage et à remplacer l’orientation actuelle de l’utilisation des chômeurs aux fins de la stabilité des prix.
Enfin, les restrictions budgétaires artificielles des critères de Maastricht ont permis au secteur public de nombreux États-nations de lutter pour fournir des services publics de base, alors que de nombreuses personnes se retrouvent sans emploi décent. La GE est le mécanisme de coordination qui permet aux chômeurs d’être réemployés et sert l’objectif public. Pour commencer à traiter les problèmes de chômage apparemment insolubles en Europe, les pouvoirs publics doivent, pour ainsi dire, papporter le contrat au travailleur et mettre en œuvre des interventions directes, ciblées et délibérées sur le marché du travail, sous la forme de services directs d’emploi, de formation et de protection les chômeurs à commencer la transition vers des solutions d’emploi durable.
CONCLUSION. UNE APPROCHE DU BAS VERS LE HAUT POUR TRANSFORMER L’EUROPE
L’euro a eu vingt ans en 2019. Il était prévisible qu’il ne fonctionnerait pas bien, dès le début, car la mise en place de systèmes monétaires prend généralement des décennies, voire des siècles. Les régimes monétaires doivent alors être constamment ajustés pour faire face aux changements. Nous proposons que les institutions de la ZE soient modifiées par une GE afin de résoudre le problème du chômage et par un Trésor Européen afin de garantir la continuité des dépenses publiques (sans ingérence des marchés financiers) et en particulier en période de crises économiques. Cela placerait la ZE sur la voie du plein emploi et de la stabilité des prix, supérieurs aux accords actuels; avec le remplacement du NAIRU par le NAIBER et, de facto, de promouvoir la convergence au bas de la hiérarchie en substituant le salaire minimum dispersé par une GE aux mêmes conditions pour tous les citoyens européens.
La création de la souveraineté monétaire dans la ZE en tant que niveau fédéral est le résultat d’une autorité budgétaire soutenue par la BCE. Cette innovation institutionnelle est compatible avec le mandat actuel de la BCE et élimine le risque que les obligations du Trésor aient à établir un lien avec l’émetteur de la devise nationale. Ne pas être un simple client de la monnaie, comme le sont les pays membres, permettrait au Trésor Européen de dépenser et d’introduire de la monnaie dans l’économie sans devoir financer le budget de l’UE en transférant de la monnaie du budget des pays membres de la ZE.
Le dysfonctionnement qui impliquait la séparation des branches budgétaire et monétaire de la ZE est également corrigé, permettant ainsi à un Trésor fonctionnel de combler le manque de dépenses qui crée un niveau de chômage de masse inégalement réparti entre les pays de la ZE. La GE crée des emplois directement, elle n’adopte aucune stratégie qui consiste à submerger les plus importants avec un crédit facile et à s’attendre à ce que le goutte-à-goutte diminue. Elle peut être conceptualisée comme une approche ascendante, différente de la théorie économique keynésienne traditionnelle. La GE financée par le Trésor Européen pour la gestion du plein emploi et de la stabilité permet, en outre, la conception de politiques qui se concentrent sur l’impact économique et humain de la politique plutôt que sur un résultat budgétaire spécifique. Au lieu de l’inefficacité à pousser la main-d’œuvre au chômage et au découragement, avec les coûts économiques et sociaux énormes qu’entraîne cette « épidémie » de chômage, nous pourrions mobiliser les citoyens à travers des programmes de GE pour prendre soin de l’environnement et des personnes, et tout ce que nous pouvons imaginer faire pour améliorer nos sociétés et que nous ne faisons pas en raison d’une mauvaise conception du système monétaire. Augmenter les dépenses sans augmenter les impôts est possible, mais surtout absolument essentiel.
Notes
[1] ecruzh@unex.es
[2] Cela ressemble à la notion de Lavoie de post-Chartalisme (Lavoie 2013). Notre point est logique, pas descriptif. Le fait que le soutien de la BCE puisse être sauvegardé pour éviter les restrictions qu’elle a elle-même imposées peut être perçu comme une introduction de monnaie de haute puissance «latent» dans le secteur bancaire. La monnaie qui sera utilisée pour acheter ces obligations aux banques proviendra de la BCE via des achats sur le marché libre garantis dès le début. En ce sens, les obligations seraient impliquées dans les dépenses publiques. Le Trésor dépense d’abord. Si ces obligations n’étaient pas garanties par la Banque centrale, il n’y aurait pas d’augmentation de la masse monétaire, ne produisant qu’un changement dans la composition des actifs financiers du secteur privé (voir Tymoigne 2016: 1324-1325). Par conséquent, les obligations ne seraient pas sans risque, ce qui affecterait leur prix.
[3] On pourrait penser aux freins de la dette nationale institués au niveau constitutionnel.
[4] Un problème supplémentaire ajouté par Uxó, Álvarez y Febrero est la conceptualisation de leur proposition en tant que « finance fonctionnelle » (Uxó et al. 2018: 8). La finance fonctionnelle est définie par Lerner comme « l’acceptation totale par l’État de la tâche d’éviter l’inflation et la déflation et ne laisse aucune place à l’équilibre budgétaire ni à une grande préoccupation pour le volume de la dette publique » (Lerner 1957: 112). . Ni le maintien d’un objectif de dette publique ni l’atteinte d’un certain taux de croissance ne sont des objectifs de la finance fonctionnelle.
[5] À notre avis, les notations de la dette souveraine attribuées par les agences de notation ne devraient pas être utilisées dans l’élaboration des politiques monétaires. Même si elles pouvaient être utilisées, les euro-obligations auraient sans aucun doute la note la plus élevée tout le temps, compte tenu de la promesse de la BCE d’acheter l’ensemble de l’émission en temps de crise.
[6] Bibow (2019: 64) réitère cette approche en proposant « une union budgétaire minimaliste dotée d’un budget d’investissement public commun financé par des obligations européennes en euros ».
[7] Voir Tcherneva (2013b) pour une critique plus détaillée.
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