Cullen Roche
7 novembre 2011
TraducTion par Robert Cauneau – MMT France
Article publié dans le blog de Warren Mosler : moslereconomics.com
Avoir raison compte. Cela n’est pas assez souligné dans le monde de la finance et dans l’économie en général. Trop souvent, une mauvaise théorie conduit à de mauvaises prédictions, ce qui contribue à une mauvaise politique. Alors que la MMT reste une école économique hétérodoxe qui a été largement rejetée par les économistes traditionnels, les MMTers ont un bilan extrêmement bon pour la prédiction d’événements économiques très complexes.
Au cours des dernières années, la crise de l’euro s’est révélée un événement remarquablement complexe et persistant. Et aucune école de pensée n’a prédit aussi clairement la cause et l’effet précis, comme l’a fait l’école MMT. Ces prévisions n’étaient en aucun cas vagues ou générales. En lisant les recherches des MMTers au moment de la création de l’euro, leurs prédictions sont étrangement presque visionnaires. Ils ont décomposé tout un système monétaire et expliqué exactement pourquoi sa construction conduirait à une crise financière si l’union n’évoluait pas.
En 1992, Wynne Godley a décrit la faille inhérente à l’euro:
Si un gouvernement n’a pas sa propre banque centrale sur laquelle il peut librement tirer des chèques, ses dépenses ne peuvent être financées que par des emprunts sur le marché libre en concurrence avec les entreprises, ce qui peut s’avérer excessivement cher, voire impossible, en particulier dans des conditions d’extrême urgence… Le danger est donc que la restriction budgétaire à laquelle les gouvernements s’engagent individuellement entraîne un biais déflationniste qui enferme l’Europe dans son ensemble dans une dépression qu’elle est impuissante à stopper.
Dans son livre incontournable «Understanding Modern Money», Randall Wray a décrit (en 1998) la même dynamique qui a conduit à la crise de l’Union Economique et Monétaire Européenne (UEM) :
Dans le cadre de l’UEM, la politique monétaire est présumée dissociée de la politique budgétaire, avec une grande indépendance de la politique monétaire afin de se concentrer sur l’objectif principal de la stabilité des prix. La politique budgétaire, à son tour, sera étroitement limitée par des critères qui dictent les ratios maximum du déficit au PIB et de la dette au déficit. Plus important encore, comme le reconnaît Goodhart, ce sera la première expérience moderne au monde à grande échelle qui tenterait de rompre le lien entre un gouvernement et sa monnaie.
… Telle qu’elle est actuellement conçue, l’UEM aura une banque centrale (la BCE) mais elle n’aura pas de succursale fiscale. Ce sera un peu comme un état fédéral US qui opère avec une Fed, mais avec seulement des trésors publics individuels. Ce sera comme si chaque pays membre de l’UEM tentait d’appliquer sa politique budgétaire avec une devise étrangère; les dépenses déficitaires nécessiteront d’emprunter dans cette devise étrangère selon les exigences des marchés privés.
En 2002, Stephanie Kelton (alors Stephanie Bell) a été encore plus précise dans la description de la crise de financement qui s’ensuivrait inévitablement dans la région:
Les pays qui souhaitent concourir pour le statut de référence, ou pour améliorer les conditions dans lesquelles ils empruntent, seront incités à réduire les déficits budgétaires ou à rechercher des excédents budgétaires. Dans les pays où cela devient l’objectif prioritaire de la politique, nous ne devrions pas être surpris de voir relativement peu d’attention accordée à la stabilisation de la production et de l’emploi. En revanche, les pays qui tentent de contourner les principes de la finance «saine» peuvent se trouver dans l’incapacité de faire face à d’importants déficits contracycliques, car les prêteurs refusent d’accorder un crédit suffisant aux conditions souhaitables. Jusqu’à ce que quelque chose soit fait pour permettre aux États membres d’éviter ces contraintes financières (par exemple, l’union politique et l’établissement d’un budget fédéral (UE) ou la création d’une nouvelle institution de prêt, conçue pour aider les États membres à poursuivre un large éventail d’objectifs politiques) , les perspectives de stabilisation de la zone euro semblent sombres.
En 2001, Warren Mosler a décrit la crise de liquidité que l’euro entraînerait:
L’eau gèle à 0 degré C. Mais l’eau très calme peut être refroidie bien en dessous et rester liquide jusqu’à ce qu’un catalyseur, comme une brise soudaine, la fasse se solidifier instantanément. De même, les conditions d’une crise de liquidité nationale qui entraînera la fermeture du système monétaire de l’euro-12 sont fermement en place. Tout ce qu’il faut, c’est un ralentissement économique qui menace soit les recettes fiscales, soit le capital du système bancaire.
Un avenir financier prospère appartient à ceux qui respectent la dynamique et sont préparés pour le jour fatidique. L’histoire et la logique veulent que les gouvernements nationaux et le système bancaire de l’euro-12, sensibles au crédit, soient mis à l’épreuve. Les flèches du marché vont infliger une crise de liquidité initialement étroite, qui va immédiatement infecter et arrêter rapidement l’ensemble du système de paiement en euros. Seule l’inévitable intervention directe, actuellement interdite, de la BCE sera capable de réaliser la résurrection, et des cendres de cette étoile flamboyante tombée, une monnaie souveraine immortelle émergera sans aucun doute.
Dans un article récent, Paul Krugman a qualifié certaines de ses prédictions de «big stuff». Ce que l’école MMT a accompli grâce à sa compréhension et à sa conscience de l’Union européenne n’est pas simplement un «big stuff» – c’est tout simplement remarquable. Il ne s’agissait pas simplement de dire que l’euro était imparfait pour telle ou telle raison et que la construction d’une Europe unie était malavisée (une prédiction faite par beaucoup à l’époque de la création de l’euro en raison principalement de préjugés politiques). Les économistes MMT ont abordé la formation de l’euro sous un aspect purement opérationnel et ont prédit avec une quasi perfection, exactement pourquoi il était imparfait et pourquoi il ne fonctionnerait pas comme il est actuellement construit.
Certains économistes estiment que la MMT se concentre trop sur la réalité en privilégiant les aspects opérationnels réels du système bancaire et du système monétaire. Mais comme nous l’avons vu maintes et maintes fois, une mauvaise compréhension du système monétaire est préjudiciable non seulement à votre portefeuille, mais également aux millions de citoyens qui sont maintenant soumis à l’ignorance des économistes qui influencent ces constructions monétaires.
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Texte original : http://moslereconomics.com/2011/11/07/mmt-the-euro-and-the-greatest-prediction-of-the-last-20-years-2/
Illustration : https://www.touraineloirevalley.com/decouvrir/val-de-loire-patrimoine-mondial/