Remarques liminaires
Dans cette section, nous nous intéressons aux contraintes comptables qui affectent les relations financières entre le monopoliste de la devise nationale et tous les autres agents qui l’utilisent comme moyen de paiement : les » utilisateurs » de la devise nationale.
Nous faisons référence au monopoliste de la devise, l’État, parlant aussi de « secteur public » ; en parlant de » secteur privé « , nous faisons plutôt référence aux utilisateurs ( » tous les autres « ). Nous rappelons que le » secteur privé » ne doit pas être identifié uniquement dans la population nationale, mais dans l’ensemble des agents, dans le monde, qui utilisent la devise nationale en question comme moyen de paiement. Par exemple, le secteur privé associé au franc suisse n’est pas identifié par la seule population suisse, mais par tous les agents économiques du monde qui utilisent le franc suisse.
Théorie
Les dépenses publiques sont l’opération par laquelle le monopoliste crée de la devise nationale, une fois reçue en échange de travail, de biens ou de services. Une fois que la création d’une unité monétaire a eu lieu, elle ne peut avoir que deux destins possibles :
- Elle peut être utilisée immédiatement, dans l’année au cours de laquelle elle a été créée, pour payer des impôts. Si l’on fait une analogie avec les biens réels, on pourrait dire que, dans ce cas, la devise nationale est « consommée« .
- Alternativement, elle peut être mise de côté, afin de pouvoir l’utiliser au cours de l’une des années suivantes pour payer des impôts futurs. Dans ce cas, la devise nationale est « épargnée » : elle n’est pas utilisée immédiatement pour remplir la fonction pour laquelle elle a été créée, c’est-à-dire pour payer les impôts, mais mise de côté pour être utilisée dans le futur. On peut faire la même chose, si on y réfléchit bien, avec presque tous les biens réels.
Cette analogie nous permet de déboucher sur un concept très important : la différence entre les dépenses publiques et les impôts perçus au cours d’une année donnée, appelée déficit public, est équivalente au montant de devise nationale que les utilisateurs, globalement, ne « consomment » pas pour payer les impôts de cette année, mais « épargnent » pour une utilisation future. Le déficit public correspond donc à l’épargne privée.
Pour être plus précis et pour ne pas recouper notre terminologie avec celle de l’usage courant en économie, parlons d’épargne nette par rapport à l’épargne financière totale du secteur privé, telle que définie dans l’introduction, désignée dans la devise nationale de référence spécifique.
Exemple
Imaginons qu’au Ghana, le gouvernement colonial britannique, à partir de lundi, veuille obtenir au moins 1.000 heures de travail par jour de la population, en fixant un salaire de 1 livre par heure.
Il exige le paiement en fin de journée d’un montant total de 1.000 livres sterling. Ce faisant, le gouvernement, qui monopolise les livres, est sûr d’atteindre son objectif, puisque le peuple ghanéen devra obtenir au moins 1.000 livres en vendant une heure de travail au gouvernement britannique pour chacun d’eux.
Si, jusqu’à présent, nous avons examiné la situation du point de vue du monopoliste britannique, prenons maintenant l’autre camp. L’impôt journalier s’élève à 1.000 livres, donc, pour la population ghanéenne, non seulement il sera nécessaire d’obtenir 1.000 livres pour payer les impôts le lundi, mais il peut être utile de travailler un certain nombre d’heures supplémentaires le lundi afin qu’ils puissent éventuellement payer, avec la devise nationale obtenue, également une partie des impôts le mardi. Cette décision aurait pour effet de garantir au secteur privé ghanéen une certaine » liberté » de travailler dans les plantations le mardi.
Supposons donc que la population demande de travailler 1.500 heures lundi, pour obtenir 1.500 livres : la demande de devise nationale s’élève à 1.500 livres. De ce nombre, 1.000 sera détruit, « consommé » immédiatement, avec le paiement des impôts le lundi ; les 500 restants seront mis de côté, « épargnés« , afin qu’ils puissent être utilisés pour payer les impôts le mardi.
Le lendemain, le secteur privé ghanéen sera confronté au même choix : soit ne travailler que les 500 heures nécessaires pour payer les impôts (500 livres avaient été épargnées la veille), soit travailler davantage pour accumuler une épargne à « consommer » éventuellement le mercredi.
En supposant que le gouvernement accepte d’acheter toutes les heures de travail que la population veut lui vendre (aux fins de cette section, la motivation du gouvernement n’est pas importante), allons aux faits. Lundi, le gouvernement dépense 1.500 livres et procure 1.500 heures de travail. La population paie des impôts avec 1.000 livres et économise 500. Le déficit du gouvernement britannique est donné par ses dépenses, 1.500 livres, moins les recettes, 1.000 livres, donc il est égal à 500 livres. Le déficit du monopoliste équivaut donc à l’épargne du secteur privé.
Texte original par Daniele Busi – Rete MMT Italia, traduit et adapté par Robert Cauneau – MMT France