Quand deux pionniers de la MMT se rencontrent pour discuter de leur travail (1ère partie)

par

Bill Mitchell

13 décembre 2018

Traduction par Robert Cauneau – MMT France

 

La semaine dernière, Warren Mosler et moi, nous avons eu une de nos rencontres régulières et nous avons longuement discuté de l’état d’avancement de la théorie monétaire moderne (MMT). Nous en sommes très soucieux. Nous avons réfléchi à la façon dont nous avons commencé ce projet et où il en est arrivé,  comme le font les vieux acteurs quand ils se réunissent. Nous avons également réfléchi et comparé nos notes sur l’état actuel de la MMT, étant donné la visibilité croissante des idées dans les médias grand public partout dans le monde et la prolifération des activistes des médias sociaux qui ont choisi d’identifier et de promouvoir nos idées. Il y a des aspects de cette évolution que nous avons identifiés comme étant préoccupants pour nous et d’autres aspects que nous avons considérés comme un motif d’optimisme (le mot célébration est trop fort). Nous avons pensé que ce serait une bonne idée de faire une pause et de documenter ce que nous considérons comme l’essence même de la MMT – comme une sorte de liste de contrôle pour les personnes qui veulent un compte rendu assez précis de l’ensemble du travail. J’ai accepté de rédiger ce document après avoir reçu les commentaires de Warren. Voilà donc ce que nous entendons par MMT. Ce qui suit est mon récit de notre conversation développé pour ajouter du sens là où c’est nécessaire.

Évidemment, j’ai déjà considéré certaines des questions dont nous avons discuté dans ces billets de blog (parmi d’autres) :

1. Réflexions sur la 2e Conférence internationale sur la MMT – Partie 1 (3 octobre 2018).

2. Réflexions sur la 2e Conférence internationale sur la MMT – Partie 2 (4 octobre 2018).

Et plus tôt :

3. Le fossé entre la macroéconomie dominante et la MMT est irréconciliable – Partie 1 (10 septembre 2018).

4. Le fossé entre la macroéconomie dominante et la MMT est irréconciliable – Partie 2 (11 septembre 2018).

5. Le fossé entre la macroéconomie dominante et la MMT est irréconciliable – Partie 3 (12 septembre 2018).

Et encore plus tôt :

6. La théorie monétaire moderne – qu’y a-t-il de nouveau ? (22 août 2016).

7. La théorie monétaire moderne – qu’y a-t-il de nouveau ? – Partie 2 (longue) (23 août 2016).

8. La théorie monétaire moderne – qu’y a-t-il de nouveau ? – Partie 3 (longue) (253 août 2016).

Les préoccupations dont nous avons discuté, au départ, ont trait aux questions que j’ai soulevées dans les billets de blog (1) et (2) ci-dessus.

Dans les médias sociaux, on a tendance à utiliser le terme MMT comme un slogan plutôt que comme un ensemble cohérent de travaux universitaires en théorie et en pratique économiques qui ont été méticuleusement élaborés depuis plus de 25 ans.

Cette tendance se traduit par des affirmations selon lesquelles la MMT repose essentiellement sur le fait que la capacité du gouvernement à financer des programmes est illimitée et qu’il est donc tout à fait possible d’introduire toutes sortes de politiques progressistes.

 

1er Principe de base : Le début de l' » histoire de la monnaie  » de la MMT

Les sociétés qui utilisent la monnaie de l’État sont très différentes d’un système de troc.

Dans une société monétaire, l’État est au sommet de la hiérarchie monétaire. Nous ne pouvons comprendre le fonctionnement d’un tel système si nous ne comprenons pas les fonctions de l’État à cet égard.

L' »histoire de la monnaie » de la MMT commence par un État désireux de s’approvisionner afin de respecter la charte politique pour laquelle il a été élu par le peuple.

Ce sens s’applique aux systèmes démocratiques où les politiciens s’adressent aux gens qui ont une mission déclarée et où le vainqueur forme le gouvernement.

Cependant, l' » histoire de la monnaie  » n’est pas exclusive aux démocraties.

Tout système, à l’exception de l’esclavage, exige que les ressources productives soient transférées, par libre arbitre, du secteur non gouvernemental au secteur gouvernemental afin de lui permettre de remplir sa mission.

C’est le début de notre voyage.

En outre, l’État (généralement par l’intermédiaire de son agent désigné, la banque centrale) est le seul fournisseur de ce qu’il exige pour le paiement des impôts.

Les contribuables n’ont pas la capacité de remplir leurs obligations fiscales légales définies par l’État sans que l’État agisse en premier.

Mais l’émission de l’impôt à payer est une étape importante à comprendre dans l' »histoire de la monnaie ».

Ce que cela signifie, c’est que les obligations fiscales (et non les paiements d’impôts) servent à faire émerger des vendeurs de biens et de services en échange des crédits de taxes d’État requis, ces derniers que nous appelons en langage courant la devise de l’État.

On peut donc considérer une devise comme un crédit de taxes auprès de l’État.

Cela donne un aperçu supplémentaire qui est intrinsèque à la MMT.

Les obligations fiscales servent à créer ce que nous définissons comme du chômage : les gens cherchent du travail en échange de la devise de l’État.

Ainsi, la fiscalité est un moyen pour le gouvernement d’obtenir des ressources productives et des biens et services finaux du secteur non gouvernemental dont il a besoin pour réaliser son programme politique.

Il est clair que le secteur non gouvernemental doit obtenir la devise avant de pouvoir l’utiliser pour payer ses impôts.

Où ailleurs le secteur non gouvernemental pourrait-il obtenir la devise pour s’acquitter de ses obligations légales envers le gouvernement, si ce dernier n’achetait pas les biens et services fournis par le secteur non gouvernemental, ou ne procédait pas à des transferts vers ce secteur ?

Ainsi, l’État peut s’approvisionner en achetant ce qui est proposé à la vente avec sa devise qui serait autrement inutile.

C’est ainsi que nous comprenons les opérations de base en question.

L’État, dès le départ, en tant que seul fournisseur des fonds nécessaires pour payer les impôts ou acheter la dette qu’il a émise, doit nécessairement imposer des obligations fiscales au secteur non gouvernemental avant qu’il puisse dépenser.

Étant donné que le secteur non gouvernemental a besoin d’une devise fiduciaire pour s’acquitter de ses obligations fiscales, dans un premier temps, l’émission d’impôts, sans injection concomitante de dépenses publiques, crée, par définition, du chômage (personnes cherchant un emploi rémunéré) dans le secteur non gouvernemental.

Les ressources non gouvernementales non employées ou inactives peuvent alors être utilisées par le biais des dépenses publiques, ce qui équivaut à un transfert de biens et de services réels du secteur non gouvernemental vers le secteur gouvernemental.

Bien que les ressources réelles soient transférées du secteur non gouvernemental sous forme de biens et de services achetés par le gouvernement, la motivation pour fournir ces ressources provient de la nécessité d’acquérir une devise fiduciaire pour éteindre les obligations fiscales.

De plus, bien que les ressources réelles soient transférées, l’imposition n’offre aucune capacité financière supplémentaire au gouvernement d’émission.

Conceptualiser ainsi la relation entre le secteur gouvernemental et le secteur non gouvernemental montre clairement que ce sont les dépenses publiques qui fournissent le travail rémunéré permettant d’éliminer le chômage créé par les impôts.

Cette compréhension fournit un aperçu supplémentaire.

Les dépenses de l’État sont donc limitées par ce qui est offert à vendre en réponse aux obligations fiscales.

Mais surtout, les dépenses d’un tel gouvernement ne sont pas limitées par les recettes.

Notez ici que cette conclusion ne s’applique pas aux 19 États membres de la zone euro, qui ont renoncé à leur souveraineté monétaire et qui utilisent plutôt une devise étrangère.

 


Article original : http://bilbo.economicoutlook.net/blog/?p=41133

Illustration : https://www.retemmt.it/

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