Soft Currency Economics [8] – Hyperinflation – Plein emploi et stabilité des prix – Taxation – Commerce extérieur – Inflation versus hausse des prix

Le livre fondateur de MMT

par

Warren Mosler

1996 – 2013

VALANCE CO., INC.,


Traduction par

Robert Cauneau – MMT France et Ivan Invernizzi – MMT France / Rete MMT Italia


Comment l’État dépense et emprunte autant qu’il le fait sans causer d’hyperinflation

La plupart des gens ont l’habitude de considérer l’épargne de leur point de vue individuel. Il peut être difficile de penser à l’épargne au niveau national. Placer une partie de son salaire sur un compte d’épargne signifie seulement que l’individu n’a pas dépensé la totalité de son revenu. Le fait de ne pas dépenser en tant que tel a pour effet de réduire la demande de consommation en dessous de ce qu’elle aurait été si le revenu épargné avait été dépensé. L’acte d’épargne réduit la demande effective de production courante sans nécessairement entraîner une augmentation compensatoire de la demande d’investissement. En fait, une diminution de la demande effective réduit très probablement l’emploi et le revenu. Les tentatives d’augmenter l’épargne individuelle peuvent en fait entraîner une baisse du revenu national, une réduction de l’investissement et une diminution de l’épargne nationale totale. L’épargne d’une personne peut devenir la réduction de salaire d’une autre. L’épargne est égale à l’investissement. Si l’investissement ne change pas, l’épargne d’une personne sera nécessairement compensée par la désépargne d’une autre. Tout crédit a un débit compensatoire.

Comme les dépenses d’une entreprise sont le revenu d’une autre personne, des dépenses égales aux dépenses d’une entreprise sont nécessaires pour acheter sa production. Un déficit de consommation se traduit par une augmentation des invendus. Lorsque les stocks des entreprises s’accumulent en raison de mauvaises ventes : 1) les entreprises peuvent réduire leur production et leur emploi et 2) les entreprises peuvent investir dans moins de nouveaux capitaux. Les entreprises investissent souvent afin d’accroître leur capacité de production et de répondre à une plus grande demande pour leurs biens. La faiblesse chronique de la demande de biens et services de consommation risque de peser sur l’investissement et de laisser les entreprises avec une surcapacité et de réduire les dépenses d’investissement. De faibles dépenses peuvent plonger l’économie dans le marasme : faibles ventes, faibles revenus, faibles investissements et faibles économies.

Lorsque la demande est forte et que les ventes sont élevées, les entreprises réagissent normalement en augmentant la production. Elles peuvent également investir dans des biens d’équipement supplémentaires. L’investissement dans de nouvelles capacités entraîne automatiquement une augmentation de l’épargne. L’épargne augmente parce que les travailleurs sont payés pour produire des biens d’équipement qu’ils ne peuvent pas acheter et consommer. Le seul autre choix qui reste aux individus est d' »investir » dans des biens d’équipement, soit directement, soit par le biais d’un intermédiaire. Une augmentation de l’investissement, quelle qu’en soit la raison, entraîne une augmentation de l’épargne ; en revanche, une diminution des dépenses individuelles n’entraîne pas d’augmentation de l’investissement global.

L’épargne égale l’investissement, mais l’acte d’investir doit se produire pour obtenir une véritable épargne.

La relation entre les décisions de dépenses individuelles et le revenu national est illustrée en supposant que le flux de monnaie passe par le système bancaire. La monnaie avec laquelle les entreprises paient leurs travailleurs peut être utilisée pour acheter leur production ou déposée dans une banque. Si la monnaie est déposée dans une banque, celle-ci a deux options de prêt de base. La monnaie peut être prêtée : 1) à quelqu’un d’autre qui souhaite acheter la production (y compris l’État), ou 2) à des entreprises qui ont payé les particuliers en premier lieu pour financer la production invendue. Si la demande générale de biens diminue, la demande de prêts pour financer les stocks augmente. Par contre, si les particuliers dépensent de la monnaie à un rythme élevé, la demande de prêts d’achat augmente, les stocks diminuent et le niveau des prêts pour financer les stocks des entreprises baisse.

La situation structurelle aux États-Unis est celle dans laquelle les individus sont fortement incités à ne pas dépenser. Cela a permis à l’État en quelque sorte, de dépenser la monnaie des gens pour eux. La raison pour laquelle les déficits publics n’ont pas entraîné une hausse de l’inflation est qu’ils ont compensé une réduction structurelle du taux de dépenses privées. Une grande partie du revenu personnel est constituée de cotisations à l’IRA, de Keoghs, de réserves d’assurance-vie, de revenus de fonds de pension et d’autres revenus qui s’accumulent continuellement et ne sont pas dépensés. De même, une part importante du revenu d’entreprise est également à faible vélocité ; il s’accumule dans des comptes d’épargne d’entreprise de divers types. Les dollars gagnés par les banques centrales étrangères ne sont pas non plus susceptibles d’être dépensés.

La racine de ce paradoxe est l’idée erronée selon laquelle l’épargne est nécessaire pour fournir de la monnaie pour l’investissement. Ce n’est pas vrai. Dans le système bancaire, les prêts, y compris ceux destinés aux investissements des entreprises, créent des dépôts égaux, évitant ainsi le besoin d’épargne comme source de monnaie. L’investissement crée sa propre monnaie.

Une fois que nous reconnaissons que l’épargne n’entraîne pas d’investissement, il s’ensuit que la solution au chômage élevé et à la faible utilisation de la capacité n’est pas nécessairement d’encourager l’épargne. En fait, l’épargne fiscalement avantageuse a probablement incité le secteur privé à vouloir devenir un épargnant NET. Cette condition exige que le secteur public soit déficitaire, faute de quoi il sera confronté à la déflation.

Plein emploi et stabilité des prix

Il existe une option de politique budgétaire très intéressante qui n’est pas à l’étude, car elle pourrait entraîner un déficit budgétaire plus important. L’État fédéral pourrait offrir un emploi à quiconque en fait la demande, à un taux de rémunération fixe, et laisser le déficit flotter. Il en résulterait le plein emploi, par définition. Il éliminerait également la nécessité d’une législation telle que l’indemnisation du chômage et un salaire minimum.

Cette nouvelle catégorie d’employés de l’État, que l’on pourrait qualifier d’employés de l’Etat supplémentaires, fonctionnerait comme un stabilisateur automatique, comme le fait actuellement le chômage. Une économie forte avec des coûts de main-d’œuvre en hausse se traduirait par le départ d’employés supplémentaires de leur emploi auprès de l’État, le secteur privé les attirant avec des salaires plus élevés. (L’État doit permettre que cela se produise, et non pas augmenter les salaires pour être compétitif). Cette réduction des dépenses publiques est un biais budgétaire régressif. Si l’économie ralentit et que des travailleurs sont mis à pied dans le secteur privé, ils occuperont immédiatement un emploi supplémentaire auprès de l’État. L’augmentation des dépenses publiques qui en résulte est un biais expansionniste. Tant que l’État ne modifie pas le salaire supplémentaire, celui-ci devient le facteur déterminant de la monnaie – le prix autour duquel évoluent les prix du marché libre dans le secteur privé.

Lorsque l’État lève une taxe, le secteur privé a besoin de la monnaie de l’État pour pouvoir payer la taxe.

Un État qui utilise de la monnaie fiat a un pouvoir de fixation des prix qu’il ne comprend peut-être pas. L’idée conventionnelle selon laquelle l’État doit taxer pour pouvoir dépenser de la monnaie ne s’applique pas à une monnaie fiat. Comme le secteur privé a besoin de la monnaie de l’État pour s’acquitter de ses obligations fiscales, l’État peut littéralement fixer le prix de la monnaie qu’il dépense. Dans une économie de marché, il suffit de définir un seul prix et de laisser le marché établir le reste. Dans cet exemple, je propose de fixer le prix des employés supplémentaires de l’État.

Il ne s’agit pas d’une analyse complète. Elle vise à illustrer le fait qu’il y a des options financières qui ne sont pas à l’étude en raison de la crainte des déficits.

Taxation

La fiscalité fait partie du processus d’obtention des ressources nécessaires à l’État. L’État a une quantité infinie de sa monnaie fiat à dépenser. Des taxes sont nécessaires pour amener le secteur privé à échanger des biens et services réels en échange de la monnaie fiduciaire dont il a besoin pour payer ses impôts. Du point de vue de l’État, c’est une question de prix multiplié par la quantité de revenus.

Compte tenu de cela, les effets secondaires des taxes peuvent désormais être pris en compte avant de décider de la structure fiscale. Une taxe sur les ventes inhibera les transactions, tout comme un impôt sur le revenu. Cette tendance à restreindre le commerce et les transactions est généralement considérée comme un préjudice. Elle réduit la tendance à réaliser les avantages de la spécialisation du travail et de l’avantage comparatif. En outre, les taxes sur les transactions offrent d’importantes récompenses pour une évasion réussie et nécessitent donc de puissantes agences d’exécution et de lourdes sanctions. Elles entraînent également des efforts juridiques massifs pour effectuer des transactions sans être soumises aux taxes telles que définies par la loi. Ajoutez cela au coût de tous les enregistrements nécessaires pour être en conformité. Tous ces éléments sont des coûts économiques réels des taxes sur les transactions.

Une taxe foncière est une alternative intéressante. Elle est beaucoup plus facile à appliquer, offre une demande plus stable de dépenses publiques et ne décourage pas les transactions. Elle peut être progressive, si la démocratie le souhaite.

De combien de monnaie on dispose peut être moins important que combien on dépense. Ce n’est pas une considération courante. Mais avoir de la monnaie ne consomme pas des ressources réelles. L’accumulation de richesse nominale par une personne n’empêche pas non plus celle d’une autre, car la quantité de monnaie disponible est infinie. La monnaie fiat n’est qu’un crédit de taxe.

Les partisans d’un système fiscal progressif devraient peut-être plutôt s’inquiéter de la consommation disproportionnée de ressources réelles. Plutôt que d’essayer de taxer la monnaie à la source, des taxes sur le luxe pourraient être prélevées pour éviter une consommation excessive (et non pour augmenter les revenus). Le succès de la taxe sur le luxe doit être mesuré par le peu de monnaie qu’elle recueille.

Commerce extérieur

D’après la teneur des récentes discussions commerciales, il est évident que le monde moderne a oublié que les exportations sont le coût des importations. Dans le cadre d’un étalon-or, chaque transaction était plus clairement définie. Si on importait des voitures, et payait en monnaie, les voitures avaient été échangées contre de l’or. Des voitures avaient été importées et de l’or avait été exporté. La monnaie fiduciaire a changé ça. Si un pays importe des voitures et paie dans sa propre devise, les voitures sont toujours importées, mais aucune marchandise n’est exportée. Le détenteur de cette monnaie a une monnaie très vaguement définie. En fait, le détenteur de la monnaie n’a la garantie de pouvoir acheter quelque chose d’un vendeur consentant qu’au prix offert par le vendeur. Tout pays affichant un excédent commercial prend le risque inhérent à l’accumulation de devises étrangères fiduciaires. Les biens et services réels quittent le pays excédentaire, en échange d’une capacité d’importation incertaine à l’avenir. Le pays importateur obtient des biens et des services réels et accepte uniquement d’exporter ultérieurement, au prix qu’il souhaite, vers d’autres pays détenant sa monnaie. Cela signifie que si les États-Unis imposaient soudainement une taxe sur les exportations, le pouvoir d’achat du Japon serait réduit.

Inflation versus hausse des prix

Peu ou pas d’attention a été accordée à la possibilité que la hausse des prix soit simplement due à l’allocation des ressources par le marché et non à l’inflation.

Les prix reflètent les niveaux d’indifférence où se rencontrent les acheteurs et les vendeurs. Le mécanisme du marché permet aux participants d’effectuer leurs achats et leurs ventes à n’importe quel prix sur lequel ils se mettent d’accord. Les prix du marché ont tendance à changer continuellement. Si, par exemple, il y a un gel au Brésil, le prix du café peut augmenter. Ce prix plus élevé correspond au transfert de l’offre restante de café des vendeurs aux acheteurs.

Les prix qui montent et descendent peuvent être le résultat de l’allocation des ressources par le marché, et non un problème d’inflation. L’inflation est le processus par lequel l’État provoque une hausse des prix en créant plus de monnaie, soit directement par des dépenses en déficit, soit indirectement en abaissant les taux d’intérêt ou en encourageant les emprunts. Par exemple, lorsqu’une pénurie de biens et de services entraîne une hausse des prix, un État peut tenter d’aider ses administrés à acheter davantage en leur donnant plus de monnaie. Bien sûr, une pénurie signifie que les produits désirés n’existent pas. Plus de monnaie ne fait qu’augmenter le prix. Lorsque cela incite à son tour l’État à augmenter encore la monnaie disponible, une spirale inflationniste a été créée. L’institutionnalisation de ce processus s’appelle l’indexation.

Laissé à lui-même, le prix du café, de l’or ou de n’importe quoi d’autre peut augmenter, diminuer ou fluctuer. Les biens et les services connaissent des cycles. Une année, il peut y avoir une récolte record et la suivante, une catastrophe. Le pétrole peut être en pénurie une décennie, puis en excédent la suivante. Il pourrait y avoir des années, voire des décennies, où l’Indice des Prix à la Consommation (IPC) augmente de 5 %, par exemple, sans qu’il y ait d’inflation réelle. Il se peut qu’il y ait moins de choses à distribuer, le marché les allouant au plus offrant.

Au fur et à mesure que l’économie se développe et que la population augmente, certains articles dont l’offre est relativement fixe vont forcément prendre de la valeur par rapport aux articles dont l’offre est générale. Plus précisément, la valeur de l’or, des propriétés en bord de mer et des honoraires des stars de cinéma augmentera probablement par rapport à celle des ordinateurs, des montres et des autres appareils électroniques.

Si la Fed décidait de gérer l’économie en ciblant le prix de l’or, elle répondrait à une augmentation du prix de l’or par une hausse des taux d’intérêt. L’objectif serait de décourager les prêts, réduisant ainsi la création monétaire. En fait, la Fed essaierait de réduire la quantité de monnaie que nous possédons tous afin de maintenir le prix de l’or à un niveau bas. Cela pourrait alors déprimer la demande de tous les autres biens et services, même s’ils sont excédentaires. En augmentant les taux, la Fed affirme qu’il y a trop de monnaie dans l’économie et que cela pose un problème.

On peut supposer qu’il y a un avantage à cibler l’or, l’IPC ou tout autre indice, plutôt que de laisser la monnaie tranquille et de laisser le marché ajuster les prix. Les taux d’intérêt peuvent être trop bas et entraîner une création monétaire excessive par rapport aux biens et services disponibles à la vente. D’autre part, la hausse des prix des produits de base peut représenter les fluctuations normales des marchés de ces produits.

S’il y a effectivement des augmentations de prix dues à la dynamique changeante de l’offre, la politique de restriction monétaire de la Fed peut entraîner un ralentissement dans de sérieuses proportions, ce qui ne se serait pas produit si elle avait laissé les taux d’intérêt tranquilles.

Conclusion

Les prétendues limites techniques et financières imposées par le déficit budgétaire fédéral et la dette fédérale sont un vestige de la monnaie marchandise. Le système actuel de monnaie fiat n’a pas de telles restrictions. Le concept d’une limite financière au niveau des dépenses fédérales non imposées (création de fonds/dépenses déficitaires) est erroné. Les anciennes contraintes imposées par l’étalon-or ont disparu depuis 1971. Cela ne veut pas dire que les dépenses au titre du déficit n’ont pas de conséquences économiques. En d’autres termes, toute la gamme des options de politique budgétaire devrait être examinée et évaluée en fonction de leurs incidences économiques plutôt qu’en fonction de contraintes financières imaginaires. La politique macroéconomique actuelle peut être centrée sur la manière d’utiliser davantage pleinement les ressources productives du pays. La véritable surcapacité est un problème facile à résoudre. Nous pouvons nous permettre d’employer des ressources inutilisées.

Des modèles économiques obsolètes ont entravé notre capacité à aborder correctement les problèmes réels. Notre attention a été détournée des questions qui ont des effets économiques réels pour se concentrer sur des questions de comptabilité sans signification. Les discussions sur les revenus, l’inflation et le chômage ont été éclipsées par la dette et le déficit publics. L’éventail des actions politiques possibles a été inutilement restreint. En raison d’une réflexion erronée sur le déficit fédéral, les responsables politiques ne veulent pas discuter de mesures qui risqueraient d’augmenter le montant des emprunts fédéraux. En même temps, ils augmentent les incitations à l’épargne, ce qui crée un besoin supplémentaire de ces déficits non désirés.

Les principaux problèmes économiques auxquels les États-Unis sont confrontés aujourd’hui ne sont pas extrêmes. Seule une mauvaise compréhension de la monnaie et de la comptabilité empêche les Américains d’atteindre une meilleure qualité de vie, qui en fait est facilement accessible.

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