Masse monétaire, flux monétaires, taux d’intérêt et équilibres financiers
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Andrea Terzi
Milan 2012
Andrea Terzi est professeur d’économie à l’Université Franklin de Suisse à Lugano, où il donne des cours de macroéconomie, d’économie monétaire et d’économie et finance internationales.
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Traduction Robert Cauneau et Andrea Valentini – MMT France
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Les autres chapitres, en cours de publication, seront accessibles à partir de la table des matières.
Table des matières
Préface
Chapitre 1 – La masse monétaire dans le paradigme monétariste-keynésien
1.1 L’équation d’échange
1.2 Offre et demande de monnaie
1.3 Deux façons de conduire la politique monétaire
1.4 La monnaie de la banque centrale et la monnaie bancaire
1.5 La question du mécanisme de transmission
Chapitre 2 – Monnaie et Richesse Réelle
2.1 Les moyens de paiement
2.2 Le PIB
Chapitre 3 – Moyens de paiement et transactions monétaires entre utilisateurs de monnaie
3.1 Le cash
3.2 La Liquidité bancaire
3.3 Les dépôts bancaires
3.4 Transactions monétaires entre résidents et non-résidents
Chapitre 4 – Création et destruction de la monnaie : comment varient le stock d’espèces, les liquidités bancaires et les dépôts
4.1 Flux de monnaie entre les banques et le secteur privé non bancaire
4.2 Flux monétaires entre les secteurs public et privé
4.2.1 Flux monétaires entre les banques et la banque centrale
4.2.2 Flux monétaires entre le Trésor et le secteur privé non bancaire
4.3 Quelques résultats
Chapitre 5 – Banque centrale, réserves et taux d’intérêt
Chapitre 6 – Le Trésor et les actifs financiers du secteur privé
Chapitre 7 – Les soldes financiers des secteurs : une clé d’interprétation
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Chapitre 5 : Banque centrale, réserves et taux d’intérêt
Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, le secteur public, bien qu’ayant le monopole de l’émission de cash, n’est pas en mesure d’exercer un contrôle quantitatif sur C. Nous avons également noté (au point 4.2.1) que la BC est en mesure de modifier R par l’achat ou la vente d’actifs financiers (titres) et par des prêts aux banques. Mais nous avons également constaté que la valeur totale de R varie en fonction de tout décaissement ou encaissement par le secteur public, et que ceux-ci dépendent à leur tour de divers facteurs, notamment : la différence entre les dépenses et les recettes du TS, les variations de l’emprunt net auprès de la BC à l’initiative des banques, et la demande de C par le SPNB.
Le fait que la banque centrale conserve le pouvoir de modifier le stock de R par des transactions monétaires qui modifient la liquidité bancaire, par exemple en achetant ou en vendant des titres d’État, ne signifie pas que le pouvoir de la banque centrale sur le stock de R est inconditionnel.
Étant donné que le montant de R dont les banques ont besoin pour régler les paiements interbancaires est influencé par le stock de D, et que celui-ci n’est pas sous le contrôle de la BC, la BC doit fournir au SB un stock de R qui dépend de D. La BC ne peut pas refuser de créditer ou de débiter des réserves, à la demande légitime des banques, pour des opérations bancaires régulièrement autorisées sans mettre en danger l’ensemble du système de paiement. Il en résulterait un problème de liquidité pour la banque bénéficiaire, avec un effet en cascade sur le fonctionnement du système.
Si la BC ne peut que répondre aux exigences du SB et, si nécessaire, prêter des réserves, elle peut fixer le coût de ce prêt, c’est-à-dire le taux d’intérêt auquel les banques se refinancent pour effectuer les paiements relatifs à leur activité. La banque centrale fournit alors les liquidités dont les banques ont besoin, tout en fixant le taux d’intérêt auquel les banques peuvent les obtenir. L’objectif principal de l’action de la BC est donc de déterminer le coût de refinancement du SB. Au contraire, R ne peut être considéré comme une variable instrumentale : la possibilité (dont dispose la BC) de modifier R de sa propre initiative fournit à la BC un outil de gestion opérationnelle du niveau des taux d’intérêt.
En tant que monopoliste de la devise de l’État, la BC peut donc fixer unilatéralement le taux d’intérêt de refinancement des banques. La gestion opérationnelle de cette fonction de la BC peut être exercée sous différentes formes.
Le mode le plus largement utilisé aujourd’hui repose sur le fonctionnement du marché interbancaire de la liquidité (R), dans lequel les banques prêtent des réserves à un taux d’intérêt librement négocié entre les parties. La demande de liquidités des banques (R) provient du fait que la liquidité bancaire créée par le déficit du secteur public est réabsorbée par le placement de bons du Trésor, ce qui génère une condition de déficit de liquidité qui oblige les banques à faire appel au marché interbancaire ou directement à la BC. La BC permet aux banques d’utiliser, sous certaines conditions, les fonds des comptes de réserve pour les prêter aux autres banques qui en ont besoin. Ainsi, les banques se refinancent sur le marché interbancaire au taux du marché, que la BC peut influencer par des opérations de refinancement du SB afin de maintenir le taux le plus proche possible de son objectif. En règle générale, la BC fournit périodiquement des liquidités aux banques, à un taux d’intérêt fixé par elle-même, d’un montant suffisant pour répondre à la demande de réserves et pour empêcher le taux d’intérêt de dépasser ou de tomber en dessous de l’objectif de la BC. Lorsque le système de réserves obligatoires est en place, il est utilisé pour améliorer la prévision de la demande de réserves et ainsi ajuster R plus précisément afin que le taux interbancaire ne s’écarte pas du niveau souhaité. La réserve obligatoire représente toutefois un coût pour les banques, égal au rendement auquel elles doivent renoncer puisqu’elles doivent détenir une partie de leurs actifs sous la forme d’un prêt de la BC. Afin d’atténuer ce coût, la banque centrale peut accorder aux banques un rendement sur les réserves obligatoires.
Si le système de réserves obligatoires est utilisé, les réserves sont appelées réserves « en excès » de ce que les banques détiennent par rapport au volume des dépôts. Un excès de réserves entraîne cependant une baisse du taux interbancaire, et si la banque centrale ne parvient pas à contrôler R de manière suffisamment précise, le taux interbancaire peut tomber en dessous du niveau cible.
En rémunérant les réserves excédentaires, la BC fixe une limite inférieure au taux interbancaire : une banque ne trouvera pas rentable de prêter ses réserves à une autre banque à un taux inférieur à celui qu’elle peut obtenir directement auprès de la BC. Le taux de rémunération des réserves excédentaires influence également le taux que les banques offrent pour attirer les dépôts (et donc les réserves).
Les banques centrales qui utilisent le système du « couloir » du taux interbancaire régulent R de manière à maintenir le taux interbancaire à un niveau cible qui se situe au milieu de la fourchette entre un « plancher », fixé par le taux auquel la BC rémunère les réserves excédentaires, et un « plafond », fixé par le taux de refinancement bilatéral, auquel la BC prête des réserves directement aux différentes banques qui en font la demande, conformément aux règles en vigueur.
Dans le système « plancher », en revanche, la banque centrale fixe le taux cible au même niveau que la rémunération des réserves excédentaires.
Cela facilite la tâche de la BC. Pour que le taux interbancaire soit égal à l’objectif, aucun réglage fin de R n’est nécessaire. Il suffit que R soit égal ou supérieur aux réserves obligatoires pour que le taux d’intérêt se stabilise au niveau de la rémunération des réserves et coïncide ainsi avec l’objectif de la banque centrale.
Dans le cadre de ce système, la banque centrale est autorisée à ajouter un objectif quantitatif à l’objectif de taux d’intérêt sur R mettant en œuvre la technique du « quantitative easing ».
Toutefois, la possibilité de contrôler R dans le système plancher ne signifie pas que la BC acquiert le pouvoir de régler D. Comme expliqué à la section 4.3, la création de liquidité bancaire sur les actifs des banques en échange d’actifs financiers (par exemple des titres d’État) ne modifie pas le capital ou le « leverage » de la banque, ni sa capacité à accorder des crédits. La substitution des liquidités dans les actifs des banques par des titres ne fait que raccourcir les échéances du côté des actifs, sans affecter l’offre de crédit de la banque (et donc D).
Les opérations de la banque centrale qui modifient le montant de la liquidité bancaire dans le système visent en fin de compte à contrôler le taux d’intérêt. Ce n’est que dans le cas du système plancher que la banque centrale acquiert la possibilité de régler R au-dessus du seuil minimum nécessaire pour maintenir le taux d’intérêt au niveau cible.
Bien entendu, le pouvoir de la banque centrale de fixer le taux de refinancement du système s’applique à toutes les échéances. En règle générale, les banques centrales choisissent de fixer le taux de refinancement uniquement sur les échéances les plus courtes, laissant au marché le soin de fixer les taux sur les échéances les plus longues. Dans ce cas, les taux à plus longue échéance sont déterminés par les attentes des taux à courte échéance que la banque centrale fixera à l’avenir. C’était la pratique la plus courante avant la crise. Toutefois, les défaillances du marché interbancaire qui ont suivi ont conduit certaines banques centrales à étendre leur contrôle sur les taux à long terme.
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Texte original : books.google.fr
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